Yossef et la fête de Soukot
Le Sefer « Betsel Tomere » rapporte le Midrach Chémot Raba (1, 5), qui nous livre l’enseignement selon lequel son nom fut donné à Yossef haTsadik en rapport avec la Délivrance future, comme il est dit : « Et en ce jour, Hachem étendra-יוסיף – une seconde fois la main, pour reprendre possession du reste de son peuple… » (Yechaya 11, 11) D’après le verset de Yechaya, cité par le Midrach, c’est par Yossef que la Guéoula, la Délivrance, arrivera.
Dans le Sefer Yrmiya (Jérémie), il est écrit : « Ainsi parle Hachem : Une voix retentit dans Rama, une voix plaintive, d’amers sanglots. C’est Ra’hel qui pleure ses enfants, qui ne veut pas se laisser consoler de ses fils perdus ! Or dit Hachem, que ta voix cesse de gémir et tes yeux de pleurer, car il y aura une compensation à tes efforts. Ils reviendront du pays de l’ennemi. Oui, il y a de l’espoir pour ton avenir, dit Hachem : tes enfants rentreront dans leurs frontières. » (Yrmiya 31 ; 15-16-17)
L’auteur du Sefer « Divrei Yoël » (Parachat Vaye’hi) s’interroge sur ce verset du Sefer Yrmiya et se demande pourquoi c’est précisément Ra’hel qui fut désignée pour pleurer sur l’exil d’Israël. Pourquoi choisir Ra’hel et pas une autre matriarche ou un patriarche ?
Le Divrei Yoël explique le choix de Ra’hel grâce à la Guémara Sanhédrine 19b, qui répond au verset par le Tehilim (77, 16) : « Par ton bras tu libères ton peuple, les fils de Yaakov et de Yossef… »
La Guémara pose la question : Pourquoi les Bneï Israël sont-ils appelés ici les enfants de Yossef ? Est-ce Yakov ou est-ce Yossef qui a mis au monde les douze Tribus ?
La Guémara répond qu’en effet, Yaakov a mis au monde les douze Tribus, mais c’est Yossef qui les a nourries lors de la famine en Égypte (Béréchit 47, 12). C’est pour cette raison que les fils de Yaakov sont appelés ici les enfants de Yossef.
Ainsi, si tous les Bneï Israël sont appelés les Bneï Yossef, Ra’hel, la mère de Yossef, devient logiquement, elle aussi, la mère de tous ces enfants !
Nous comprenons désormais mieux pourquoi Ra’hel a été choisie parmi nos patriarches et matriarches pour pleurer sur le sort de ses enfants en exil, en reprenant notre Midrach cité au début : « c’est par Yossef que la Guéoula, la Délivrance, arrivera. »
Par ses prières, la mère de Yossef, Ra’hel Imenou, notre mère à tous, renforcera notre espoir dans cet exil dur et amer, en attendant qu’Hachem accomplisse Sa promesse : « Tes enfants rentreront dans leurs frontières », ce qui annonce la Délivrance future et finale.
Mais quel lien peut-on faire entre Yossef, la Délivrance finale et la fête de Soukot ?
בַּסֻּכֹּת תֵּשְׁבוּ שִׁבְעַת יָמִים כָּל הָאֶזְרָח בְּיִשְׂרָאֵל יֵשְׁבוּ בַּסֻּכֹּת
« Dans les soukot vous habiterez sept jours, tout citoyen en Israël habitera dans les Soukot. » (Vayikra 23, 42)
Une question se pose sur la construction du verset. En effet, il commence avec une adresse directe : « vous habiterez/תֵּשְׁבוּ », et par la suite, en revanche, il utilise la forme indirecte : « tout citoyen habitera/יֵשְׁבוּ ».
Le Ari Zal explique que la première partie du verset représente l’ordonnance de la Mitsva de s’asseoir dans la Souka, qui s’adresse à tout le peuple. La seconde partie, quant à elle, est la promesse que celui qui accomplira cette Mitsva aura le mérite de יֵשְׁבוּ בַּסֻּכֹּת, de s’asseoir dans la Souka faite avec la peau du Léviathan.
Nous voyons ici que la Mitsva de Souka, elle aussi, fait allusion aux Temps Futurs, à la Délivrance, lorsque l’on sera assis dans la Souka en peau de Léviathan, comme il est écrit (Yechaya 4, 6) :
« Il y aura une Souka donnant tout au long du jour de l’ombre contre la chaleur, servant d’asile et de refuge contre l’orage et la pluie. »
Ainsi par la promesse divine faite à Ra’hel et donc, par le mérite de Yossef HaTsadik, nous sommes aujourd’hui assis dans la Souka et lorsque nous arriverons aux temps messianiques, nous serons tous assis dans la Souka en peau de Léviathan.
Plus encore, le Ari Zal enseigne que nous devons effectuer la Mitsva du Loulav dans la Souka, or le Loulav et la Souka sont deux Mitsvot totalement différentes et indépendantes l’une de l’autre. Tentons de comprendre le lien entre ces deux Mitsvot.
Dans la Guémara Souka 37b il est écrit :
Rabbi Yrmiya demande à Rabbi Zrika pour quelle raison nous ne mentionnons que le Loulav dans la bénédiction des quatre espèces ?
(En effet, nous prenons les quatre espèces en main et nous bénissons Hachem : … Al netilat Loulav).
Rabbi Zrika lui répond que c’est parce que le Loulav est la plus grande des quatre espèces, autrement dit, il représente l’essentiel du bouquet des quatre espèces, ce qui lui vaut que la bénédiction se fasse en son nom (Rachi).
Rabénou Bé’hayé propose une autre explication : le Loulav présente de nombreuses feuilles, les unes plus hautes que les autres. Elles sont toutes reliées au tronc, à l’image de toutes les créatures du monde, qui proviennent d’une seule source : le Saint Béni Soit-Il, Hakadoche Baroukh Hou.
Le balancement des quatre espèces en direction des quatre points cardinaux possède un sens très profond.
Comme nous l’avons déjà vu (voir Aharon), les quatre espèces sont représentatives des différentes catégories de Juifs.
Nous savons aussi que notre peuple est dispersé aux quatre coins du monde. Mais dans chacune de nos Téfilot, nous prions pour son rassemblement.
Nous balançons nos quatre espèces, de l’avant vers l’arrière, en signe de vouloir faire revenir tous nos frères éloignés.
Et la raison pour laquelle nous ne mentionnons que le Loulav dans la bénédiction, c’est parce qu’il représente Yossef, selon le rite de la Kabale.
(Les trois Hadassim représentent Avraham, Yits’hak et Yaakov, les deux Aravot, Moché et Aharon, le Loulav représente Yossef et le Etrogue, David)
Nous pouvons à présent répondre à la deuxième question : Pourquoi le Ari Zal enseigne-t-il que nous devons effectuer la Mitsva du Loulav dans la Souka ?
Comme nous l’avons vu, la Délivrance Future viendra par le mérite de Yossef et de la promesse d’Hachem faite à Ra’hel Imenou « tes enfants rentreront dans leurs frontières », ce qui nous donnera la possibilité de nous asseoir dans la Souka en peau de Léviathan.
Nous savons aussi que par les balancements du Loulav et des trois espèces, nous essayons de regrouper le peuple dispersé aux quatre coins du monde.
Nous voyons maintenant que les deux Mitsvot sont liées : nous agitons nos quatre espèces dans la Souka avec l’espoir qu’un jour très prochain, nous soyons tous délivrés de notre exil et rassemblés dans la Souka en peau de Leviathan, symbole d’une délivrance complète de notre peuple, Bimehera Béyaménou, Amen.
Un bunker pour l’avenir
Un Juif a le mérite, au fil de l’année, de pouvoir s’élever spirituellement, lors des grands événements du calendrier. En ce qui concerne notre période, elle est propice à une propulsion spirituelle.
Mais l’essentiel de l’examen est de savoir combien de temps et comment conserver ce niveau acquis, pour le reste l’année.
Explications :
Dans le Téhilim 27, il est écrit : « Hachem est ma lumière et mon salut… Il m’abritera sous Son pavillon… »
Nos Sages nous enseignent que le terme « ma lumière/ אורי » se rapporte à Roch Hachana ; « mon salut/ וישעי » à Yom Kippour ; et « Il m’abritera sous son pavillon /כי יצפנני בסכה », à Soukot.
L’auteur du « Darkei Moussar » va nous aider à réfléchir sur le déroulement de ces étapes :
A Roch Hachana, l’homme atteint un niveau tellement haut de Kédoucha, qu’il est capable de « palper » la vérité, en particulier grâce aux sonneries du Chofar. Comme l’explique le Rambam, le rôle du son du Chofar est de réveiller celui qui s’est endormi. L’homme se réveille et voit de ses yeux, « ma lumière/ אורי », les voies de D.ieu qui s’éclairent.
Après cette première phase, vient le temps de « mon salut/וישעי », Yom Kippour.
Yom Kippour est le jour où Hakadoche Baroukh Hou nous sauve et nous pardonne de nos fautes. Nous sommes sauvés, car nos fautes obstruaient notre cœur et notre néchama ; or sans ce sauvetage, il nous serait impossible de sortir de cette ” boue “. Hakadoche Baroukh Hou nous a offert ce grand jour pour nous laver et nous purifier. C’est un acte de pur ‘Hessed d’Hachem : nous pardonner et remettre nos compteurs à zéro. C’est grâce à cela que l’homme pourra s’élever à un niveau supérieur. Ce ‘Hessed d’Hachem nous ouvre une voie d’élévation, une piste de décollage pour aller plus haut.
Cependant, après avoir eu accès à ces niveaux, une troisième phase déterminante est indispensable.
« Il m’abriterait sous son pavillon /כי יצפנני בסכה », c’est la fête de Soukot.
L’homme doit s’abriter contre toutes les attaques du Yetser Hara, grand « patron » de ce monde matériel. Nous devons tous « courir aux abris », nous isoler avec Hakadoche Baroukh Hou.
Sans cette condition, tout ce qui aura été acquis durant les deux premières phases sera perdu.
Le Gaon Rav Yits’hak Blazer Zatsal explique que lors des Téfilot de Roch Hachana, un homme peut s’élever et se rapprocher d’Hachem, mais par la suite, au moment du repas, il risque de tout perdre. Un attachement trop sérieux aux plaisirs de la table le fera se détacher de cette connexion établie auparavant grâce à ses Téfilot. En effet les plaisirs de ce monde sont la perte de l’homme, comme il est dit : « Rabbi Eléazar Hakapar dit : l’envie, la volupté et l’ambition abrègent la vie de l’homme », Pirkei Avot (4, 21).
Le Machguia’h de Loumza, Rav Moché Rozenstein Zatsal, explique cette idée à l’aide de la parabole suivante :
Il existe un animal du désert que l’on nomme « bardelasse ». C’est une espèce de félin. Il chante une mélodie qui attire l’attention de l’homme et lorsque celui-ci se rapproche pour mieux entendre, il le capture pour l’amener dans sa tanière.
Une fois arrivé là-bas, il aspire le cerveau de sa victime et ne laisse qu’un corps inerte mais intacte. Celui qui se ballade dans le désert et qui connaît la technique de la bardelasse, sait aussi que le sang de l’homme la repousse. Avant leurs expéditions, les hommes avisés se feront donc volontairement une petite entaille afin de laisser couler quelques gouttes de sang et d’écarter tout risque d’attaque.
De la même façon que la « bardelasse » chante devant l’homme, ainsi le Olam hazé chante pour nous attirer vers lui. Lui aussi aspire notre cerveau et notre Néchama puis laisse un corps « intact » ! Nous devons donc nous abriter sous les ailes de la Chékhina, afin d’éloigner tout risque de séduction des pièges de ce monde.
La Souka nous garde encore au chaud, à l’abri de toute attaque extérieure. Elle nous aide à concrétiser la bonne volonté dont nous avons fait preuve durant Roch Hachana et Yom Kippour.
Comme nous l’avons déjà expliqué, c’est dans la Souka que va se concrétiser le fabuleux processus de Téchouva, qui ne fait que commencer. La Souka est en fait un bunker face au Yetser Hara, elle est le vernissage de la Téchouva.
La Souka sera une protection « écran total » qui fera effet tout au long de l’année, comme celle dont bénéficièrent les Bneï Israël dans le désert…
Les unes avec les autres
Le Beth Yossef dans le Tour (Or Ha’haïm 651, 11), s’interroge sur la façon de tenir les quatre espèces. Doit-on les rassembler lors du balancement, ou bien tenir les Loulav-Hadass-Arava à droite et le Etrogue à gauche ?
Le Beth Yossef nous répond qu’aucune Guémara ni aucun décisionnaire ne mentionnent une quelconque obligation de rassembler les quatre espèces ! Seul un écrit d’un grand Sage italien, le Rav Ména’hem Mirékanti, dans la Parachat Emor, nous enjoint de les rassembler. Le secret de cet enseignement lui est venu un soir, en rêve.
Lors de la fête de Soukot, le Rav Mirékanti reçut chez lui un homme Ashkénaze pieux, le Rav Yits’hak. Lorsque le Rav Mirékanti s’endormit, il fit un rêve dans lequel il vit son invité, Rav Yits’hak, en train d’écrire le nom de D.ieu d’une curieuse façon. Il écrivit tout d’abord י ה ו et plus loin, éloigné des autres lettres, le ה .
Toujours dans son rêve, le Rav Mirékanti, interpella son invité et lui demanda pourquoi il agissait ainsi. Rav Yits’hak lui répondit que c’était l’habitude chez les Ashkénazes, d’écrire ainsi le nom de D.ieu. Le Rav Mirékanti le reprit, lui expliqua qu’il devait rapprocher les lettres les unes des autres. C’est ce que fit Rav Yits’hak. Une fois le nom d’Hachem rassemblé, le Rav Mirékanti se réveilla.
Il ne comprit ni son rêve, ni le message qu’il renfermait.
Le lendemain, à la synagogue, au moment où tout le monde prend ses quatre espèces pour procéder aux balancements, le Rav aperçut son invité tenant le Loulav-Hadass-Arava à droite et le Etrogue à gauche. Il comprit aussitôt son rêve…
Les quatre espèces possèdent en chacune d’elle une parcelle du nom Divin, et il faut les tenir réunies.
Kohélet
« Réjouis-toi, jeune homme, dans ton jeune âge, que ton cœur soit en fête au temps de ton adolescence. Suis librement les tendances de ton esprit, et ce qui charme tes yeux ; sache seulement que D.ieu t’appellera en jugement pour tout cela. » (11, 9)
Dans son ouvrage, « Machal Venimchal », le Ben Ich ‘Haï nous explique ce verset de la manière suivante :
Il souligne tout d’abord que ce verset comporte trois parties, qui correspondent aux trois sortes de plaisirs de l’homme dans ce monde :
« Réjouis-toi, jeune homme, dans ton jeune âge » désigne le Malbouch, les plaisirs de la mode et des beaux vêtements.
« que ton cœur soit en fête au temps de ton adolescence » désigne la A’hila, les plaisirs de la table, la gourmandise et la boisson.
« Suis librement les tendances de ton esprit, et ce qui charme tes yeux » désigne les Tiyoulim, les plaisirs des promenades et des ballades.
Au passage, le Ben Ich ‘Haï nous fait remarquer que les premières lettres de ces plaisirs assemblées forment le mot Tamé/impur (Tiyoulim, A’hila et Malbouch), car la multiplication de ces plaisirs peut nous faire sombrer dans l’impureté.
Le Ben Ich ‘Haï souligne que dans ce verset, il n’est fait mention d’aucun interdit ou conseil de privation, tels que « habits-toi avec des haillons », « mange du pain dur » ou « reste chez toi entre quatre murs » !
Bien au contraire le verset te dit : « Réjouis-toi… sois en fête… suis librement les tendances de ton esprit… ».
Pourtant le verset conclut par : « sache seulement que D.ieu t’appellera en jugement pour tout cela », afin de nous signaler tout de même que nous serons jugés pour toutes ces choses « permises », nous devrons rendre des comptes. Pourquoi devrions-nous rendre des comptes sur des choses permises, qu’est-ce que cela signifie ?
Dans le tribunal Céleste, la question ne sera pas « pourquoi as-tu agi ainsi, en portant un beau costume ou de jolis vêtements ? »
Mais on nous dira : « Lorsque tu as porté ce beau costume, tu étais heureux et tu as prononcé la bénédiction de Chéé’héyanou.
Mais est-ce que ta joie fut aussi grande lorsque tu as accompli la Mitsva ordonnée par Hachem que lorsque tu as revêtu ton nouveau costume ? »
On nous jugera sur notre enthousiasme pour l’accomplissement des Mitsvot, en comparaison à notre enthousiasme pour jouir des plaisirs de ce monde.
Aussi, le tribunal Céleste nous demandera : « Tu as mangé, tu as bu et tu en as tiré des plaisirs, tu en as joui… Mais dis-nous si tu as autant savouré et bu les paroles de Torah que tu as apprises et entendues, que les mets et boissons que tu as consommés ! »
Enfin, toute la semaine pendant ton travail, tes amis te proposèrent des promenades ou des ballades, mais jamais tu n’abandonnas ton poste pour aller t’évader, même si dehors il faisait bon, jamais les tentations ne prenaient le dessus sur le travail… Alors le tribunal Céleste demandera : « Comment et pourquoi le Chabbat, as-tu pu perdre des heures à te balader, comment as-tu pu perdre autant d’heures sacrées conçues pour les plaisirs spirituels ?! »
En réfléchissant et en observant, l’homme arrivera à la conclusion que toutes les accusations portées contre lui ne seront que le fruit de son comportement vis-à-vis du matériel au détriment du spirituel.
Chaque chose de la vie courante pourra occasionner une remontrance, c’est ce que signifie la conclusion de notre verset « sache seulement que D.ieu t’appellera en jugement pour tout cela. », afin de nous dire que les reproches concerneront nos lacunes dans notre Avodat Hachem, en mesurant la différence entre notre engagement dans le spirituel et celui dans les plaisirs terrestres.
Tout ne se fera donc que dans une évaluation par rapport à nous avec nous-mêmes, jamais en nous comparant aux autres. Tel est le message de notre verset.
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