22 décembre 2024

Paracha Métsora: La voie de l’humilité

« Le Cohen ordonnera, il prendra, pour celui qui se purifie, deux oiseaux vivants purs, et du bois de cèdre et de l’écarlate d’un ver et de l’hysope » Vayikra (14 ; 4)

Rachi dans son commentaire explique : « Étant donné que la tsaraat (La lèpre, qui n’a rien à voir avec celle que nous connaissons aujourd’hui, il s’agit d’une maladie spirituelle.) est engendrée par la médisance, conséquence du bavardage, le texte a imposé pour la purification du fauteur, des oiseaux qui passent leur temps à caqueter en babillant. Et du bois de cèdre, parce que la tsaraat est engendrée par l’orgueil. Et comment guérir de cette plaie ?

En diminuant son orgueil, avec un ver et l’hysope. » Nos Sages nous mettent en garde contre ce trait de caractère abominable et bas.

Dans Michlei ((16;5)) il est écrit : « Hachem a en abomination l’orgueilleux. » ou encore dans la Guémara (Sota 4b) : ”Quiconque est orgueilleux renie la présence Divine, comme il est écrit « ton cœur s’enorgueillira et tu oublieras l’Éternel ton D.ieu. »”

Le Rambam, au début du chapitre Hilkhot Déot, énumère les différents traits de caractère extrêmement opposés que peut posséder un homme : le généreux et l’avare ; le cruel et le sensible ; le craintif et le courageux ;  etc…

Il explique qu’entre chacun de tous ces traits de caractère il existe une infinité d’intermédiaires, il recommande de ne pas adopter les extrêmes, mais de toujours chercher la voie médiane.

Cependant, à propos de l’orgueilleux, le Rambam s’exprime ainsi (Hilkhot Déot 2 ; 3) :

“Il est des tempéraments pour lesquels l’homme n’a pas le droit de suivre la voie moyenne, il doit s’écarter d’un extrême pour adopter l’autre.”

L’orgueil rend pénible l’existence de celui qui en est empreint ainsi que celle de son entourage.

L’orgueilleux ne profite pas de sa vie car il est pointilleux avec ses proches, jamais satisfait de ceux qui sont à son service, et qu’il consacre ainsi son temps à des futilités et à la course aux honneurs.

Chlomo Hamelekh nous enseigne dans Kohelet : “Le Sage a le cœur à droite et le sot à gauche.”

Nos sages font remarquer que les lettres qui précèdent (à droite) dans l’alphabet, chacune des deux lettres composant le mot לב qui signifie “cœur” : “ל”et”ב”, sont les lettres “א” et  “כ/ך”  qui constituent le motאך : “seulement”, terme que nos Maîtres qualifient de restrictif.

Cela signifie que le Sage se restreint, se veut modeste.

Le cœur du sot est à gauche, c’est ainsi que les lettres qui suivent (à gauche) dans l’alphabet, les deux lettres qui forment le terme לב sont   “ג” et “מ/ם” qui constituent le mot גם, “aussi”, qui est selon nos Maîtres un terme d’ajout.

Parce que le sot veut tout ramener à lui, il veut toujours plus et encore, et se prend pour plus grand qu’il n’est en réalité.

L’homme sensé se doit de faire un point sur son existence, de réfléchir à tout ce qui aurait pu arriver au cours de sa vie sans la Hashga’ha pratit, reconnaître la limite de ses moyens et de sa liberté d’action, et comprendre que Seul le Maître du Monde peut l’aider à se surpasser.

Quand l’homme réalise qu’il n’est pas éternel, qu’au moment où la mort surviendra, il devra laisser tous ses biens sans rien emporter avec lui dans sa tombe, que l’éclat de son visage disparaîtra, qu’il sera la proie des vers, qu’il se putréfiera et dégagera une odeur fortement nauséabonde, etc… il ne peut que devenir humble et chasser tout orgueil.

Comme il est dit (Pirkeï Avot 3;1) : Akavia ben Mahalal dit :

« Pénètre-toi de ces trois choses et tu éviteras le péché : pense à ton origine et à ta fin, et rappelle-toi devant Qui tu auras un jour à rendre des comptes.

Ton origine, c’est une vile matière. Ta fin, c’est ta tombe ou tu deviendras la pâture des vers. Et celui à Qui tu auras à rendre compte de tes actions, c’est le Roi des rois, Hakadoch Baroukh Hou. »

L’orgueilleux est à plaindre car il souffre tout au long de sa vie du manque d’honneur en se comparant sans cesse à autrui et en désirant toujours plus. Cependant, s’il regarde tous les grands de ce monde, il verra qu’ils sont glorifiés justement pour leur modestie, tel Avraham qui a dit : « Voici je Te prie, j’ai osé parler à mon Seigneur, moi, poussière et cendre…”[1], David Hamelekh : “Moi je suis un vermisseau, et non un homme, l’opprobre des gens, objet de mépris pour le peuple.”[2] ; ou encore Moché, à propos duquel la Torah nous dit : « … et l’homme, Moché, très humble, plus que tout homme qui fût sur la surface de la terre. »[3] et qui se décrivit lui-même par cette phase : “Que suis-je ?”

L’orgueilleux comprendra que la véritable grandeur réside justement dans les êtres qui en demandent le moins et qui se voient à leur juste place, comme créatures minuscules face au Divin.

C’est grâce à cette humilité que Moché fut le personnage le plus marquant de l’Histoire de l’humanité.

Ce n’est donc qu’en passant par cette remise en question que le cœur de l’orgueilleux s’inclinera et trouvera la voie de l’humilité.

Rav Mordékhaï Bismuth


[1]Beréchit (18 ; 27)

[2]Téhilim (22 ; 7)

[3]Bamidbar (12 ; 3)