24 novembre 2024

De Valentin à Avraham (2ème partie)

Après avoir été lâchement dénoncé, Avraham fut arrêté et emprisonné par la police qui informa immédiatement ses parents que leur cher fils avait été retrouvé, mais que celui-ci avait abjuré la religion chrétienne en se convertissant au judaïsme.

Bouleversés, ses parents accoururent, et insistèrent pour ramener leur tendre Valentin à la raison et dans sa religion d’origine. Les plus hautes autorités religieuses intervinrent également dans ce sens, lui expliquant l’immense honte pour ses parents, une famille de nobles, d’avoir un fils qui avait aussi mal tourné. Mais en vain, toutes leurs argumentations restèrent parfaitement stériles.

Ses parents d’une richesse incommensurable, étaient prêts s’il renonçait en public au judaïsme, de lui construire un beth hamidrach privé, où il pourra étudier seul et sans contrainte. Mais Avraham répondait sans faiblir que la loi juive constituait sa conviction profonde et sacrée et qu’il était prêt, s’il le fallait à mourir par fidélité à sa foi.

Un Jour, un évêque important de l’église lui expliqua que son attitude était tout à fait illogique et voici ses paroles : « Si D.ieu avait voulu que tu sois Juif, Il t’aurait fait naître de parents Juifs. Mais puisque tu es né de parents chrétiens, cela prouve qu’Il veut que tu sois chrétien, comme tes pères!»

Mais Avraham lui répondit : «  Lorsque Hachem a donné la Torah au Mont Sinaï. Il l’a tout d’abord proposée à toutes les nations du monde, qui l’ont refusée. Cependant Il n’a pas fait du porte à porte vers chaque individu pour lui proposer la Torah. Il l’a présentée aux chefs de chaque peuple et nation. Parmi eux, certainement y avait-t-il eu nombres de personnes qui auraient souhaité recevoir la Torah; mais elles en furent empêchées par les décisions de leurs autorités. Toutefois Hachem ne prive aucune créature de la récompense qu’elle mérite. Il a prévu dans Sa bonté suprême que les âmes des descendants de ceux qui auraient voulu recevoir la Torah seraient dispersées dans toutes les générations et accéderaient individuellement à leur place dans le peuple Juif par une démarche vers leur conversion. Inversement, parmi l’ensemble des Enfants d’Israël qui acceptèrent la Torah, il devait bien y en avoir qui personnellement, auraient préféré la refuser. Mais portés par l’acceptation de l’ensemble du peuple, ils sont entrés dans la vie Juive, malgré eux. Leurs descendants forment ceux qui ont trahi et quittent le Judaïsme à une époque ou à une autre. »

L’évêque déconcerté et voyant qu’ils ne réussissaient pas à influencer le fils Potoçki, n’avait pas d’autres choix de lui infliger d’atroces souffrances physiques et morales. Après un long emprisonnement et un procès pour hérésie, il fut condamné à être brûlé vif à Vilna, le second jour de Chavouot de l’année 1749. Sentence qu’il accepta de grand cœur, en expliquant même, qu’il était heureux de purifier son corps par le feu, de tous aliments impurs qu’il avait consommés avant de devenir Juif.

Le Gaon de Vilna lui envoie un message lui offrant la possibilité de le secourir en utilisant la Kabbale. Mais Abraham ben Abraham refuse, préférant mourir « al kiddoush Hachem/en sanctifiant le nom de D.ieu » et s’enquiert auprès du Gaon de la prière qu’il devra réciter juste avant de mourir. Le Gaon de Vilna le manda de réciter la bénédiction suivante : « Baroukh ata Ha-Chem…vetsivanou leqadèch eth chemo be’rabim/Béni sois-Tu…qui nous a ordonné de sanctifier le Nom en public ».

Comme il était en ces temps très dangereux pour un Juif d’assister à l’exécution, la communauté juive envoya un Juif ne portant pas la barbe, pour se mêler à la foule afin qu’il puisse l’écouter et lui répondre « amen ». Il réussit aussi, par corruption, à se procurer quelques cendres du martyr, lesquelles furent ensuite enterrées dans le cimetière juif.

Le Jour même de son exécution est né Rabbi Haïm de Vologin, le plus grand des disciples du Gaon de Vilna, fondateur de la grande Yéchiva de Vologin. En 1796 le Gaon de Vilna quitta ce monde, et fut enterré juste à côté de Avraham ben Avraham.

On considère que Chavouot est le moment de raconter l’histoire de Potoçki parce Chavouot est l’anniversaire de son exécution. Une réflexion doit venir à l’esprit : Chavouot étant la « célébration » du don de la Torah au mont Sinaï et le moment d’accepter de recevoir la Torah, les arguments qu’utilisa Avraham contre l’évêque, de l’attitude de nos pères lors du don de la Torah peuvent nous inspirer sur la manière de prendre sur nous les engagements et notre façon d’accepter la Torah. Étaient-ils parmi l’ensemble des Enfants d’Israël qui acceptèrent la Torah, ou ceux portés par l’acceptation de l’ensemble du peuple ?