21 novembre 2024

Pin’has: Je vous prie de faire la Téfila

« Ordonne aux Bné Israël et dis-leur :  Mon offrande, l’aliment de Mon sacrifice qui est brûlée en odeur agréable, vous veillerez à l’apporter en  son  temps.  »  (28, 2)

Le Sfat Emet commente ce verset en associant au terme ‘veillez-Lichmor’ le sens ”d’attendre” (en hébreu, en effet, le verbe Lichmor peut signifier à la fois “veiller à” ou ”être dans l’attente”, n.d.t). Il signifie dès lors aussi : « Vous serez dans l’attente de l’apporter. » Toute la journée sera ainsi  une préparation dans  l’attente  de l’apporter. Toute la journée sera aussi une préparation dans l’attente impatiente de l’heure où l’on pourra enfin apporter le sacrifice perpétuel, et il en sera de même pour la prière (après la destruction du Temple, les prières quotidiennes ont été instituées en remplacement du sacrifice perpétuel du matin et de l’après-midi). Toute la journée d’un juif, explique-t-il, doit être pour lui secondaire en regard du moment où il prie et pendant lequel il vit réellement. C’est ainsi que le Maître du Kouzari enseigne à son disciple la vertu d’un juif fervent (Kouzari 3, 5) : « Cet instant (de la prière) sera pour lui l’essentiel de sa journée  et  le  centre  de ses préoccupations, tous             les autres moments n’étant que des moyens d’arriver à celui-ci. Il désirera ardemment retrouver cette proximité dans laquelle il ressemble aux êtres spirituels et        se distingue de l’animal.» (Le Kouzari explique dans  la suite  de  cet extrait que  la prière doit être pour  l’homme  comme un aliment qui le nourrit lors d’un repas jusqu’au prochain. De même, il tire sa subsistance spirituelle de la prière jusqu’à la prochaine.)

Un juif de Jérusalem dont l’un des membres de la famille devait subir une opération à l’hôpital Hadassa, décida que pour mettre toutes les chances de réussite de leur côté, il devait parler au préalable avec le directeur général de l’hôpital, dont dépendait chaque décision dans cet établissement. En tant que simple citoyen,   il  n’avait  pratiquement aucune chance de pouvoir accéder directement à cet homme qui occupait un poste aussi élevé. Il voulut donc solliciter l’aide  de Rav Firrer, le conseiller médical connu pour ses relations avec le monde de la santé en  Israël (et également  à l’étranger) afin qu’il intercède pour lui auprès de ce directeur .

Le temps ne jouant pas en faveur du malade, il décida  finalement  de  prendre sa voiture pour se rendre à Hadassa. En chemin, il tenta de joindre Rav Firrer pas  moins d’une dizaine  de  fois mais sans succès. Soudain, il aperçut un homme sur le bas-côté de la route qui lui fit signe qu’il était tombé en panne. Au début, il pensa l’ignorer. Il était bien le dernier à être disponible à ce moment crucial où il tentait par tous les moyens de joindre cet intermédiaire tellement nécessaire. Tout d’un coup, à son immense surprise, il se rendit compte que cet         homme n’était autre que… le directeur de l’hôpital en personne! Il n’était dès lors plus nécessaire ni de parler au conseiller, ni à ses secrétaires.

Souvent, il arrive qu’un juif se tienne au milieu de sa prière et se mette à penser : « Ah! Comment vais-je pouvoir arranger rapidement ce problème, parler avec un certain homme d’affaires, courir chez tel médecin, supplier le responsable de la caisse de prêt ou faire des courbettes au banquier,   essayer de m’attirer la grâce de… ? Il ne cesse de remuer dans son  cœur et dans son cerveau le monde entier. Pourquoi ne comprend-il     pas qu’en priant, c’est comme s’il  se  trouvait (si l’on peut dire) devant ce directeur en personne ? Le psychologue et la personne prête à le comprendre, il les trouvera dans la bénédiction de ”Atta ‘Honène” (où l’on demande à Hachem la sagesse), le professeur spécialisé dans celle de   ”Réfaénou” (réservée à la guérison, n.d.t), la subsistance dont il a besoin et la richesse dans celle de ”Barekh Alénou” (ce qui lui épargnera d’avoir à trouver grâce auprès de quiconque), la paix  dans  son  ménage dans celle de ”Sim Chalom”, etc.

Cette approche de l’existence, poursuit le Sefat Emet, est valable  également  tant  que nous sommes  en  exil  dans  l’attente de voir le Beth Hamikdach reconstruit et les sacrifices à nouveau offerts sur l’autel.  En désirant             ardemment que ce temps revienne, nous possédons une part dans les sacrifices qui étaient offerts jadis et dans la construction future du troisième Temple, Biméera Béyaménou Amen !

Un juif ne peut parvenir  à  ce  désir  que s’il est convaincu que toute sa situation spirituelle et matérielle ne dépend que de  la prière. C’est dans cela qu’il doit mettre l’essentiel de ses efforts. Nos pères investissaient toutes leurs forces dans la prière parce qu’ils savaient qu’elle est la source de tous les profits.

Le ‘Hizkouni, dans son  commentaire  sur le verset « (…) Voici les fils de  Yaakov qui lui naquirent à Padan Aram (Et non pas à Beth Lekhem où  Ra’hel  Iménou  décéda en accouchant de Biniamine). L’explication en est, répond-il, que, lors de la naissance de Yossef (plus haut dans le verset 30, 24), elle pria à Hachem « Yossef Li Hachem Ben A’her », « Qu’Hachem m’ajoute un autre fils ». Cette prière            fut exaucée lorsque Biniamine naquit plus tard. Cependant, la Torah considère qu’il était déjà né à l’endroit (Padan Aram) et à l’heure où elle épancha son cœur en suppliques pour mériter un autre fils. Car telle             est la force de la prière : concrétiser la réalité dès le  moment  où elle est exaucée.

Rav Elimélekh Biderman