3 décembre 2024

Devarim: Le peureux est sans espoirs….

«Nos frères ont abattu notre courage» (Devarim 1-28)

Rav Galinsky commente: quand les explorateurs rapportèrent leurs témoignages sur les villes immenses et fortifiées ainsi que leurs habitants gigantesques, en leur prouvant leurs propos à l’aide des énormes fruits qu’ils apportèrent donnant une notion de la taille des monstrueux géants résidant dans ces villes, le peuple éclata en sanglots. Moché rabénou se leva et déclara: “Vous n’avez pas à trembler devant eux ni à les craindre” (Devarim 1-29), car l’Eternel a déjà promis d’envoyer le frelon sur eux afin d’aveugler les Cananéens ! Les géants Cananéens sont-ils vaccinés contre les piqûres de frelon ? Que peuvent bien nous faire des géants aveugles et impuissants ?! Celui qui a frappé les Egyptiens des dix plaies et les a noyé dans la Mer Rouge, ne peut-Il pas gagner contre les Cananéens ? De quoi avez-vous peur ?!

Mais dans les faits, les paroles de Moché Rabénou ne firent aucun effet et le peuple pleura sans raison. C’est pourquoi il fut décrété qu’il mourrait dans le désert et que toutes les générations pleureraient à cause d’eux ! Comment comprendre cela ?

Quand nous sommes arrivés en Sibérie, on nous informa que nous subirions une peine de vingt-cinq ans de prison. Nous n’avons pas eu droit à un jugement légal même pas simulé. Ce fut une décision arbitraire des communistes. “Vous voyez ce portail derrière vous ?”, interrogea le commandant du camp, “personne n’est jamais ressortie d’ici vivant !” Concrètement, nous sommes restés dans ce camp pendant deux ans, un dixième de la peine que nous devions subir, mais c’était déjà beaucoup trop.

Quand nous avons été libéré, un ami attrapa ma main et me chuchota dans l’oreille avec émotion: “Je n’ai aucun doute que c’est par le mérite du respect des livres que nous avons été libérés !”

Je fus surpris de cette réflexion, il me semble que ce sont les décisions décrétées par D., je ne compris pas de quoi il parlait.

En Sibérie, il y avait une terrible pénurie de papier. Les feuilles de papier étaient rares. Mon ami eut de la chance. Au lieu de sortir travailler comme bucheron tous les matins dans le froid glacé et de marcher des kilomètres dans la forêt enneigée pour aller couper des troncs d’arbres pendant quatorze heures, il fut désigné pour être coiffeur. Il rasait tous les matins les poils raides des barbes des supérieurs et les taillait, un travail propre et facile. Pour ce faire, il lui fallait nettoyer à chaque fois le rasoir et les ciseaux. Pas de problème, les responsables lui fournirent du papier pour nettoyer autant qu’il le faut. Ainsi, on lui apporta une liasse de papier. Il commença le nettoyage et on lui fournit le papier à volonté.

Son regard s’assombrit quand il se rendit compte que ces feuilles provenaient de livres saints.

Le soir, quand nous revinrent de notre travail si dur, mon ami se plaignit à moi amèrement d’une voix étouffée: “Que dois-je faire ? Comment agir ? Je ne peux pas !” Il est interdit de se servir des pages de livres saints pour nettoyer un rasoir, c’est un déshonneur. Mais d’un autre côté, s’il ne le fait pas, il sera puni et renvoyer de ce poste. Que faire ?!

Je lui ai dit: “Sois tranquille, nous allons trouver une solution!”

“Quoi, comment, ce n’est pas possible !” Il fallait le calmer et lui détourner l’attention.

Je lui dis: “Ecoute ce que l’histoire suivante tirée des Prophète nous enseigne (Melakhim 2-6): le Roi d’Aram essayait constamment de tendre des embuscades au Roi d’Israël mais ce dernier savait ce méfier d’elles. Le Roi d’Aram dit à ses serviteurs: il doit y avoir un espion parmi nous qui dévoile tous nos secrets.

Ses serviteurs lui répondirent: le Roi d’Israël n’a pas besoin d’espions. Le prophète Elisha est avec lui et lui révèle par prophétie tous tes secrets. Le Roi d’Aram envoya une délégation pour vérifier ces affirmations et il apprit que le prophète résidait à Dotan. Il envoya son armée afin de capturer Elisha. Le matin, le serviteur d’Elisha sortit et aperçut qu’ils étaient encerclés. Il s’écria: “Ah, mon maître, que va-t-on faire ?” Elisha lui répondit: “N’ais pas peur, car nous sommes plus nombreux qu’eux”. Elisha demanda à D. qu’il ouvre les yeux de son serviteur pour qu’il voie les bataillons d’anges célestes entourant Elisha.

Elisha demanda: “Fasse que cette armée goye devienne aveugle”, toute l’armée fut frappée d’aveuglement; et Elisha la remit entre les mains du Roi d’Israël.

Une question se pose: puisqu’il fut sauvé par le fait que toute l’armée devint aveugle, pourquoi avait-il besoin de faire appel à des escadrons d’anges célestes et que son serviteur les voient ? Car en fin de compte, les anges ne participèrent pas à son sauvetage !

En fait, le serviteur était paniqué, la panique est une maladie contagieuse. S’il avait contaminé par sa frayeur le prophète Elisha, ce dernier aurait été affaibli par le désespoir, et la prophétie ne peut régner que s’il y a la joie d’accomplir les commandements (Chabbat 30B). Ainsi, en premier lieu, il fallait calmer le serviteur. Il se calma quand il aperçut que son maître était encerclé d’anges célestes qui le protégeaient. Quand tout fut tranquille, Elisha se concentra et demanda de frapper toute l’armée d’Aram d’aveuglement. Mon ami comprit et se détendit. Il fallait trouver une solution et je réussis à trouver.

Nous devons prier non pas pour être sauvés des bêtes féroces ou des bandits mais pour être épargnés de la peur et de la panique, c’est cela le plus important!   

Rav Moché Bénichou (Extrait de l’ouvrage Véhiguadeta)