« Il s’avance à ta rencontre et à ta vue il se réjouira dans son cœur.» (Chémot 4;14)
Nous assistons dans cette paracha, au fameux épisode du buisson ardent, où Moché Rabbénou s’entretient avec Hachem, Qui lui dévoile l’avoir désigné afin de faire sortir le peuple Juif d’Égypte.
Dans un premier temps Moché refuse, il objecte qu’il n’est pas un bon orateur (il bégaye en effet), que le peuple ne le croira pas, ne l’écoutera pas… Ce n’est qu’après sept jours de discussions qu’il accepte enfin sa destinée. Pourquoi avoir refusé si longtemps ?
Moché craignait en fait tout simplement de blesser son frère aîné Aharon en lui usurpant sa place.
Aharon se trouvait en effet en Égypte avec tout le peuple depuis le début de l’oppression, lui Moché au contraire, avait été élevé dans la maison de Pharaon.
Aharon assistait et participait personnellement aussi à la douleur du peuple d’Israël. Moché ne voulait donc pas lui prendre une place de sauveur qu’il pensait revenir à Aharon. Il avait du mal à s’imaginer apparaître après 40 ans d’absence, remercier Aharon pour ses bons et loyaux services, puis lui annoncer qu’il prenait désormais lui seul le contrôle de la situation.
Hachem le rassura ainsi : « il s’avance à ta rencontre et à ta vue il se réjouira dans son cœur. » (Chémot 4;14)
Rachi sur place nous explique : « Contrairement à ce que tu penses, il ne s’offusquera pas de ton accession à une haute dignité. »
A la fin de sept jours de pourparlers tendus, Hachem rassura Moché : après avoir passé le cœur d’Aharon au « scanner », celui-ci était pur et rempli de joie à l’idée que son frère accède à cette noble fonction.
Imaginons la scène : nous assistons à un face à face entre Le Tout Puissant et Moché. Le Créateur du monde face à un homme de chair et de sang, une simple créature, même s’il est le plus grand prophète de tous les temps. Et que se passe-t-il ?
Moché refuse obstinément le rôle de libérateur de son peuple, simplement parce qu’il craint de blesser son frère, de lui causer un tort quelconque.
Quelle grandeur ! Quel cœur ! Quel amour et respect de l’autre !
Moché a une occasion rêvée de s’élever tant socialement que spirituellement, il peut devenir le dirigeant du peuple Juif, avoir le pouvoir, les honneurs, le dialogue continu avec Hachem… mais il refuse parce qu’il est inconcevable à ses yeux de grandir au détriment d’un autre.
Au quotidien, chacun peut être confronté à ce genre de situation, dans le cadre professionnel, familial, amical, communautaire…
Malheureusement, au contraire de Moché, n’hésitons-nous pas parfois à « jouer des coudes » pour satisfaire nos ambitions ? « La fin justifie les moyens ! L’essentiel est d’atteindre son but, peu importe les dégâts causés autour ! Après tout je dois servir mes intérêts et ceux de ma famille en priorité ! »
Cette manière de penser est malheureusement courante et l’on voit au travers de Moché notre guide, quel est le véritable but qu’il faut se fixer : Respecter autrui dans quelle que condition que l’on se trouve et quelles que soient les tentations qui se présentent.
Le Rav Dessler Zatsal dans son ouvrage Mikhtav Me-Elihaou, relate l’histoire suivante :
Le ‘Hafets ‘Haïm refusait d’utiliser ses immenses connaissances de la Torah pour en faire son gagne pain. Il décida donc d’ouvrir une petite épicerie. Évidement sa marchandise était de première qualité, ses mesures pleines à ras bords et sa balance penchait toujours en faveur du client. Naturellement donc, l’épicerie était pleine à craquer du matin jusqu’au soir. Le ‘Hafets ‘Haïm se demanda alors, puisque son épicerie était pleine, de quoi pouvaient vivre les autres commerçants autour.
C’est ainsi qu’il décida de n’ouvrir son épicerie que quelques heures par jour, afin de gagner juste les quelques sous lui permettant de subvenir aux besoins journaliers de sa famille, et de la laisser fermer le reste du temps afin que les autres commerçants du quartier gagnent aussi leur vie.
Très vite il s’aperçut que cela ne servait pas à grand chose, chacun s’arrangeait en effet pour venir aux heures d’ouverture de son épicerie, c’est pourquoi finalement il ferma boutique, ne voulant causer de tort à personne.
Voyons à présent le frère de Moché, son aîné Aharon. Si la réaction et le comportement de Moché sont grandioses, qu’en est-il alors de ceux d’Aharon ?
Pas un soupçon de jalousie, ni de rancune, ni de convoitise… alors qu’il en avait les meilleures raisons du monde ! Bien au contraire, il se réjouit sincèrement de la nomination de son frère, d’une joie pure provenant du cœur.
Le Chla Hakadoch explique que le cœur est situé au centre de notre corps, alimentant ainsi tous les autres organes. Comme le Kodech Hakodachim du Beth Hamikdach représente le point central du monde où réside la Chékhina qui insuffle de la sainteté à tous les êtres vivants et les maintient en vie. (Etant privé de Beth Hamikdach, nous survivons aujourd’hui, depuis la destruction du Temple, grâce au Limoud Torah !
Un enseignement dans le Traité Méguila (3b) montre que « l’étude de la Torah est plus importante que les sacrifices ».)
Le Yalkout Chimouni nous dit, au nom de Rabbi Chimon Bar Yo’haï, que c’est sur ce cœur réjoui d’Aharon que sera posé le pectoral du Cohen Gadol. C’est en effet grâce à ce comportement révélant la pureté de son cœur qu’Aharon aura le mérite de devenir le Cohen Gadol.
Nous avons tous la possibilité et le devoir d’acquérir ces belles Midot de bonté et de pureté de cœur. Pour y parvenir, œuvrons à nous détacher progressivement et en douceur de ce « Moi » qui rend l’autre invisible.
Purifions nos cœurs grâce aux Mitsvot multiples et variées que D. nous a offertes : Inviter des hôtes le Chabat, rendre visite aux malades, aux endeuillés, prier pour ceux qui sont dans la détresse, donner la Tsédaka, etc… Réjouissons-nous du bonheur de l’autre et essayons de penser aux conséquences de nos actes sur l’autre. Nous en sortirons grandis et épanouis.
Chabat Chalom
Rav Mordekhai Bismuth
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