23 novembre 2024

Qu’est ce que la Séfirat Haômère?

Il est dit dans les Pirkeï Avot (1;2) : « Chimone Hatsadik était l’un des derniers membres de la Grande Assemblée. Il disait : ‘Le monde repose sur trois piliers : [l’étude de] la Torah, la Avoda (les sacrifices) et la Guémilout ‘hassadim (actes de bienfaisance) ».

De nos jours, en l’absence du Beth Hamikdache, nous ne pouvons plus offrir de sacrifices. Aussi, qu’en est-il de l’équilibre du monde ? Peut-il reposer sur deux piliers seulement ?

Nos Sages nous enseignent qu’en attendant la construction du troisième Beth Hamikdache qui, avec l’aide de D.ieu, est imminente, nos paroles remplacent les sacrifices.

Il est en effet écrit dans le livre de Hochéa (14;3) : « Armez-vous de paroles et revenez vers Hachem ! Dites-Lui : fais grâce entière à la faute, agrée la réparation, nous voulons remplacer les taureaux par [les paroles de] nos lèvres. » Ces « paroles » ne sont autres que nos prières (Téfilot) figurant dans nos sidourim, les livres de prières.

Rabénou Yona rapporte aussi dans son Chaareï Téchouva (4;8) : « De nos jours où, par nos fautes et celles de nos pères, nous n’avons plus recours aux sacrifices, si un homme pèche par la pensée ou en transgressant une mitsva positive, il devra lire les passages concernant le sacrifice au début des sections de Vayikra et Tsaw.

La lecture des passages concernant le sacrifice, que ce soit dans la Torah écrite ou orale, en remplace l’offrande, comme le disent nos Sages : ‘Quiconque étudie le passage concernant le sacrifice Ola, c’est comme s’il avait offert un sacrifice Ola’…»

Aussi, afin de compenser l’absence de l’offrande du Omère, nos Sages nous prescrivent de réciter le premier soir de ‘Hol Hamoed Pessa’h les versets et les michnayot concernant l’offrande et décrivant le déroulement du Korbane.

Ainsi, explique le Rav Chmouéli, le fait de nous pencher sur l’étude des lois du Beth Hamikdache est une façon de nous préparer à le recevoir, comme il le montre à travers la parabole suivante :

Lorsqu’une fiancée est vêtue de sa belle robe de mariée, maquillée comme une reine, ornée d’une parure de bijoux et prête à entrer sous la ‘houpa, puisque tout est prêt, le fiancé s’empresse de chercher sa fiancée, de l’épouser et de construire un foyer pour l’éternité…

Ainsi en est-il de notre situation.

Nous connaissons l’amour d’Hakadoch Baroukh Hou envers les Bneï Israël, au point qu’Il se fait appeler « fiancé », comme il est dit (Yechaya 62;5) :

« וּמְשׂוֹשׂ חָתָן עַל כַּלָּה יָשִׂישׂ עָלַיִךְ אֱלֹהָיִךְ/et comme le fiancé se réjouit de sa fiancée, ton D.ieu se réjouira de toi ».

Préparons-nous comme une fiancée afin que notre Fiancé se précipite à notre rencontre ! Habillons-nous de Torah, ornons-nous de connaissance des lois du Beth Hamikdache et soyons prêts à entrer sous la ‘houpa… Alors notre Fiancé, Hakadoch Baroukh Hou, nous conduira dans Sa demeure et nous vivrons ensemble afin que nous puissions L’honorer et faire grandir Son Nom.

C’est pour cela que quiconque souhaite voir la rédemption finale s’investira dans l’étude de la Torah, notamment les lois du Beth Hamikdache et des sacrifices.

Dans cette première partie, nous allons expliquer l’origine du Korbane Haômère, et son lien avec la Séfirat Haômère.

Pourquoi, même en l’absence du Beth Hamikdash, Hachem nous a-t-Il donné l’ordonnance de compter le Omère ? En conclusion, nous aborderons la notion de la période qui sépare Pessa’h de Chavouot.

1) L’origine dans le texte

Dans la Torah, parachat Emor (Vayikra 23;9-15), il est écrit ce qui suit :

{9} Hachem parla à Moché en disant : {10}Parle aux Bneï Israël et dis-leur : « lorsque vous viendrez vers le pays que Je vous donne [Erets Israël], vous ferez sa moisson et vous offrirez le Ômère, prémices de votre moisson, au Cohen.{ט} וַיְדַבֵּר יְהוָֹה אֶל מֹשֶׁה לֵּאמֹר: {י} דַּבֵּר אֶל בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם כִּי תָבֹאוּ אֶל הָאָרֶץ אֲשֶׁר אֲנִי נֹתֵן לָכֶם וּקְצַרְתֶּם אֶת קְצִירָהּ וַהֲבֵאתֶם אֶת עֹמֶר רֵאשִׁית קְצִירְכֶם אֶל הַכֹּהֵן:

La Torah nous enseigne ici la Mitsva de l’offrande du Ômère : Min’hat Haômère.

Le Ômère est une mesure égale à un dixième d’eïfa, ce qui correspond au volume de 43,2 œufs moyens (1 eïfa est égale à 24,88 litres). De cette quantité d’orge moissonnée, on prélevait une Kemitsa/poignée qui constituait la Min’ha. C’est aussi le nom par lequel on désigne cette offrande – Min’hat Haômère.

Cette mitsva ne pourra être accomplie que lorsque les Bneï Israël seront entrés en Erets Israël.

{11} Il [le Cohen] fera balancer le Ômère devant Hachem pour que vous soyez agréés ; dès le lendemain du Chabbat le Cohen fera balancer le [Ômère]. {12} Le jour où vous ferez balancer le Ômère, vous offrirez un mouton sans défaut âgé d’un an, en sacrifice ola pour Hachem. {13} Et sa min’ha [sera] : deux dixième de fleur de farine pétrie dans l’huile, un sacrifice par le feu pour Hachem, odeur agréable, et sa libation de vin : un quart de hin.{יא} וְהֵנִיף אֶת הָעֹמֶר לִפְנֵי יְהוָֹה לִרְצֹנְכֶם מִמָּחֳרַת הַשַּׁבָּת יְנִיפֶנּוּ הַכֹּהֵן: {יב} וַעֲשִׂיתֶם בְּיוֹם הֲנִיפְכֶם אֶת הָעֹמֶר כֶּבֶשׂ תָּמִים בֶּן שְׁנָתוֹ לְעֹלָה לַיהוָֹה: {יג} וּמִנְחָתוֹ שְׁנֵי עֶשְׂרֹנִים סֹלֶת בְּלוּלָה בַשֶּׁמֶן אִשֶּׁה לַיהוָֹה רֵיחַ נִיחֹחַ וְנִסְכֹּה יַיִן רְבִיעִת הַהִין:

Les détails du déroulement de ce Korbane sont expliqués dans le dixième chapitre du traité Ména’hot. Les voici :

Ce Korbane devant être balancé le lendemain du ”Chabbat”, c’est-à-dire le deuxième soir de Pessa’h, selon la tradition de la Torah orale reçue par nos Sages.

Nous l’expliquerons plus en détail au chapitre suivant.

Étant donné que des personnes qui s’opposaient à la loi orale remettaient cette date en question, les sages instaurèrent que le processus de préparation du Korbane s’organisât publiquement, et dût se faire sous forme de questions-réponses.

Afin de réfuter au mieux les contestataires, chaque information était répétée à trois reprises. La récolte du Korbane Haômère s’organisait en grande pompe, en présence d’une foule nombreuse, dans une grande joie en l’honneur de la Mitsva.

Voici comment se déroulait la cueillette du Ômère.

Tout d’abord, la veille de Pessa’h, des envoyés du beth-din se rendaient au champ où l’on devait moissonner l’orge destinée au Korbane Ômère. Ils liaient ensemble les épis debout afin de faciliter la coupe le lendemain.

A l’issu du premier yom tov de Pessa’h, c’est à dire le 16 nissane, trois envoyés du beth-din munis d’une serpe avaient pour mission de moissonner l’orge.

Les trois envoyés du beth-din faisaient participer les observateurs en leur demandant successivement à trois reprises les questions suivantes :

בָּא הַשֶּׁמֶשׁ ? אוֹמְרִים לוֹ: הֵן.

« Le soleil s’est-il couché ? » [car la Mitsva devait commencer à la tombée de la nuit].

Le public répondait : Oui !

« Le soleil s’est-il couché ? »

Le public : Oui !

« Le soleil s’est-il couché ? »

Le public : Oui !Les deux envoyés suivants posaient ensuite à leur tour ces mêmes questions.

Il demandait ensuite :

מַגָּל זוֹ?אוֹמְרִים לוֹ: הֵן.

« [Dois-je couper] avec cette faucille ? »

Le public : Oui ! [cette question était aussi répétée à trois reprises, et par les deux autres envoyés].

Il demandait ensuite :

קֻפָּה זוֹ? אוֹמְרִים לוֹ: הֵן.

« [Dois-je mettre les épis] dans ce panier ? »

Le public : Oui ! [et cela aussi à trois reprises, ainsi que par les deux envoyés suivants].

Si c’était un Chabbat, afin de rappeler qu’il était permis de moissonner le Chabbat pour le Korbane Haômère Chabbat (cette Mitsva dit se faire le lendemain du premier jour de Pessah’, quel que soit le jour, comme par exemple la Brit Mila), il demandait :

שַׁבָּת הַיּוֹם? אוֹמְרִים לוֹ: הֵן.

« Est ce Chabbat aujourd’hui ? »

Le public : Oui ! [et cela aussi à trois reprises, ainsi que par les deux envoyés suivants].

Il posait enfin la dernière question :

אֶקְצֹר? וְהֵם אוֹמְרִים לוֹ: קְצוֹר.

« Dois-je moissonner ? »

Le public : Moissonne ! [et cela aussi à trois reprises ainsi que par les deux envoyés suivants].

Une fois avoir récolté environ trois séa (8kg) d’orge, la céréale était apportée à la azara/parvis du Beth-Hamikdache. On y battait les grains avec des roseaux frais pour ne pas les broyer, puis on les vannait. On versait les grains propres dans un récipient de cuivre perforé pour les torréfier au feu. Après la torréfaction, on étalait l’orge en plein air sur la azara/parvis du Beth-Hamikdache, afin d’activer le processus de séchage.

Par la suite, l’orge était moulue dans une meule de grès. On prélevait de cette semoule un dixième d’eïfa (une eïfa est égale à 24,88 litres) qu’on tamisait treize fois dans treize tamis différents, pour qu’il soit absolument pur.

On le mélangeait à un log d’huile et une poignée d’encens (levona), et le Cohen pétrissait le tout pour préparer l’offrande de la manière prescrite.

Une fois la pâte prête, on pouvait procéder à la Ténoufa/balancement.

On versait la pâte obtenue dans un ustensile sacré et le Cohen procédait à la Ténoufa vers les quatre points cardinaux, puis vers le haut et vers le bas.

La Ténoufa consistait en un mouvement de va-et-vient, de soulèvement et d’abaissement (comme on le fait à Soukot avec les quatre espèces).

La Guémara (Mena’hot 62a) explique que le mouvement de va-et-vient est destiné à arrêter les mauvais vents, et le soulèvement et l’abaissement servent à refouler les mauvaises rosées. Le Ômère était ensuite apporté à l’angle sud-ouest du Mizbéa’h, où le Cohen prélevait une poignée de pâte, ce que l’on appelle une Kemitsa. La pâte prélevée était salée puis brûlée sur le Mizbéa’h.

Le reste de la pâte était consommé par les Cohanim dans l’enceinte de la azara. Telle était l’offrande du Ômère – Min’hat Haômère. Pour accompagner cette Min’hat Haômère, on offrait un mouton d’un an sans défaut en tant que Korbane ola [entièrement consumé sur le feu du Mizbéa’h, à l’exception de la peau.].

On offrait aussi une min’ha, une offrande de farine composée de deux dixièmes d’éïfa de fine fleur de farine, d’huile et d’encens, dont une partie est brûlée sur le Mizbéa’h. [A l’époque du Beth Hamikdach, chaque Korbane (sacrifice) devait être accompagné d’une min’ha.]

Enfin, on apportait une libation de vin d’un quart de hin, ce qui correspond à 1,03 litre [un hin est une mesure égale à 4,14 litres], qui était versée sur le Mizbéa’h/autel.

{14} Du pain, du grain grillé [farine faite de grains séchés au four], et du gruau [les grains eux-mêmes] vous ne mangerez pas jusqu’à ce jour même, jusqu’à que vous ayez apporté le Korbane [du Ômère] de votre D.ieu. C’est un décret pour toujours pour vos générations, dans tous vos lieux de résidence. (Vayikra 23;14){יד} וְלֶחֶם וְקָלִי וְכַרְמֶל לֹא תֹאכְלוּ עַד עֶצֶם הַיּוֹם הַזֶּה עַד הֲבִיאֲכֶם אֶת קָרְבַּן אֱלֹהֵיכֶם חֻקַּת עוֹלָם לְדֹרֹתֵיכֶם בְּכֹל משְׁבֹתֵיכֶם: (ס)

Tant que ce Korbane, la Min’hat Haômère, n’était pas offert, il était interdit de consommer toute céréale de la nouvelle récolte. Cet interdit porte le nom de « Issour ‘Hadach ».

Il faut savoir que cette interdiction est encore en vigueur de nos jours.

Avant le troisième jour de Pessa’h, il sera interdit de consommer toute nouvelle récolte des cinq céréales (blé, épeautre, orge, avoine et seigle).

C’est une chose assez fréquente dans les pays où l’on produit plusieurs récoltes par an du fait des différents climats, comme aux États-Unis par exemple. Aussi, du blé récolté en été ne pourra être consommé qu’après le troisième jour de Pessa’h, soit presque une année entière. C’est pour cela que sur de nombreux produits alimentaires fabriqués aux États-Unis (bière, biscuits etc.), la mention de « ללא חשש חדש » (sans soupçon de ‘hadach) sera indispensable, et même pour du simple pain.

Ce ne sera qu’une fois le Korbane apporté ou, de nos jours, Pessa’h passé, qu’il sera permis de consommer les céréales de cette nouvelle récolte.

Le Rav Dessler explique que ce Korbane d’après la loi, vient permettre de tirer profit de la nouvelle récolte. Mais dans le sens profond, ce Korbane vient nous apprendre que l’on consacre toute la récolte à D.ieu, comme pour marquer le fait que nous ne sommes autorisés à faire usage des biens de ce monde [olam azé] que comme moyen de Le servir.

{15} Vous compterez pour vous du lendemain du Chabbat [c’est à dire du lendemain du premier jour de la fête de Pessa’h], du jour où vous apporterez le Ômère de l’offrande balancée, sept Chabbatot [semaines] complètes. {16} Jusqu’au lendemain du septième Chabbat [semaine], vous compterez cinquante jours, et vous offrirez une nouvelle Min’ha à Hachem. {17} De vos lieux de résidence, vous apporterez deux pains de balancement, deux dixièmes [d’eïfa] de fleur de farine, cuits levés [‘hamets], en prémices pour Hachem. (Vayikra 23;15-17){טו} וּסְפַרְתֶּם לָכֶם מִמָּחֳרַת הַשַּׁבָּת מִיּוֹם הֲבִיאֲכֶם אֶת עֹמֶר הַתְּנוּפָה שֶׁבַע שַׁבָּתוֹת תְּמִימֹת תִּהְיֶינָה: {טז} עַד מִמָּחֳרַת הַשַּׁבָּת הַשְּׁבִיעִת תִּסְפְּרוּ חֲמִשִּׁים יוֹם וְהִקְרַבְתֶּם מִנְחָה חֲדָשָׁה לַﬣ׳: {יז} מִמּוֹשְׁבֹתֵיכֶם תָּבִיאִוּ לֶחֶם תְּנוּפָה שְׁתַּיִם שְׁנֵי עֶשְׂרֹנִים סֹלֶת תִּהְיֶינָה חָמֵץ תֵּאָפֶינָה בִּכּוּרִים לַﬣ׳:

La Torah nous enseigne ici la Mitsva de compter le Omère, ce que l’on connaît sous le nom de Séfirat Haômère.

Ce compte commencera le deuxième jour de Pessa’h, jour où l’on apporte le Korbane Min’hat Haômère au Beth-Hamikdache. Il consiste à compter sept semaines entières, cinquante jours, qui se termineront le jour de la fête de Chavouot où nous offrons une Min’ha de blé nouveau et deux pains de ‘hamets.

La suite de l’ouvrage expliquera ces deux versets plus en détail.

Une seconde source dans la Torah, cette fois-ci dans parachat Réé (Devarim 16;9), nous indique ce qui suit :

{9} Tu compteras pour toi sept semaines à partir du moment où la faucille commence à être utilisée pour la récolte debout, tu commenceras à compter sept semaines.שִׁבְעָה שָׁבֻעֹת תִּסְפָּר לָךְ מֵהָחֵל חֶרְמֵשׁ בַּקָּמָה תָּחֵל לִסְפֹּר שִׁבְעָה שָׁבֻעוֹת:

Comme le précédent (Vayikra 23;15), ce verset nous enseigne la Mitsva de compter le Omère, ce que l’on connaît sous le nom de Séfirat Haômère.

De plus, Rachi explique que le « moment où la faucille commence à être utilisée pour la récolte sur pied » est la moisson du Omère, qui constitue les prémices de la moisson.

Ce verset nous apprend également une loi importante sur la façon de compter le Omère.

Le Choul’hane Arou’h (489;1) tranche qu’il faut être debout pour compter la Séfirat Haômère . Le Béer Etev commente que nous l’apprenons de ce verset. En effet, nos sages expliquent qu’il ne fait pas lire « בַּקָּמָה/debout », mais « בְּקוׄמָה », qui signifie debout.

2) Étymologie du mot Sefira

« Vous compterez (oussefartem) pour vous du lendemain du Chabbat… » dit le verset, et non pas « vous dénombrerez… » (oumanitem).

Le terme « Séfira/ספירה » évoque de nombreux aspects.

L’auteur de l’ouvrage « Toldot Aharon » en explique certains. Tout d’abord, il désigne un compte. לספור signifie compter. Mais en hébreu, la racine du mot Séfira/ספירה est la même que « coupe de cheveux/תספורת » ou encore

«סַּפִּיר /Saphir ».

Nous pouvons rapprocher ces termes en suggérant que ce compte « Séfira/ספירה » renferme la capacité de « תספורת », couper les mauvaises herbes qui auraient poussées à l’intérieur de nous, et grâce à cela se purifier et briller comme le saphir/’סַּפִּיר’.

Notre âme est semblable à une pierre précieuse : pour qu’elle puisse briller de toutes ses facettes, elle doit être la plus pure possible.

Plus la lumière pourra y pénétrer, plus elle pourra la refléter.

Ainsi plus nous ferons pénétrer en nous la lumière de la Torah, plus nous refléterons la Kédoucha/sainteté qui nous habite.

La Séfira/ספירה va nous permettre de polir notre néchama/âme pour la faire resplendir.

Nous pouvons aussi découvrir une allusion supplémentaire.

Le terme de Séfira/ספירה renferme aussi la racine ספר/séfer, livre. Il s’agit évidemment de l’étude de la Torah par laquelle nous pourrons nous élever, nous sanctifier et nous rapprocher d’Hachem, comme il est écrit : « Soyez saints ! Car Je suis Saint, Moi Hachem votre D.ieu /קְדֹשִׁים תִּהְיוּ כִּי קָדוֹשׁ אֲנִי ﬣ׳ אֱלֹהֵיכֶם » (Vayikra 19;2).

Le Rav Nissim Yaguen זצק״ל offre une parabole pour mieux comprendre ce concept.

Un homme revêt un beau costume blanc pour se rendre à un rendez-vous important. Soudain, juste avant son départ, son jeune fils taché de boue vient se jeter sur lui pour l’embrasser.

Même si le père aime beaucoup son fils et qu’il souhaite le prendre dans ses bras, il désire malgré tout garder son costume blanc propre.

Il éloigne son fils et lui demande de se laver et de se changer.

Le père n’a ni puni son fils ni ne l’a rejeté. Cependant, tant que son fils est sale, ils ne peuvent pas être proches l’un de l’autre.

Il en est ainsi avec Hakadoch Baroukh Hou. Il souhaite Lui aussi nous prendre dans les bras, Il nous aime, Il se réjouit que nous voulions nous rapprocher de Lui.

Mais pour cela, nous devons nettoyer la « boue » qui nous souille.

L’étude la Torah et l’application des Mitsvot sanctifient et affinent la personnalité de l’homme. Car la Torah possède cette force de métamorphoser l’homme qui s’y implique réellement.

Pour terminer, ce compte n’est pas un compte à rebours (49 jours, 48, 47…). Nous comptons vers l’avant (jour 1, jour 2,…) en mode de « mossif ve-olekh /aller en augmentant ».

Cela montre notre volonté d’aller de l’avant, de grandir, comme nous l’expliquerons plus loin.

3) La Séfirat Haômère, midé-oraita ou midé-Rabanan

Une controverse existe entre les Richonim (premiers décisionnaires), à savoir si la Séfirat Haômère de nos jours où nous ne pouvons apporter le Korbane – puisque nous n’avons pas de Beth Hamikdach – est une Mitsva d’ordre « DéOraïta » [Mitsva prescrite par la Torah] ou d’ordre « DéRabanane » [prescrite par nos sages].

À l’époque du Beth-Hamikdache, la Mitsva de la Séfirat Haômère était d’ordre « Dé-Oraïta », car elle était intrinsèquement liée au Korbane Haômère.

Mais après la destruction du Beth-Hamikdache, étant donné que nous ne pouvons apporter le Korbane Haômère, les avis sont partagés.

Certains, comme le Rambam (Hilkhot Temidim Oumoussafim 7;22), sont d’avis que le compte du Ômère reste une Mitsva Dé-Oraïta. Pour d’autres, tels que les Tossafot (Menahot 66a) et le Roch, le Ran et le Baal Hamaor, c’est une Mitsva d’ordre « Dé-Rabanane » [prescrite par nos sages] en souvenir du Beth-Hamikdache.

Les A’haronim (derniers décisionnaires), tranchent que d’après la majorité, la Séfira est de nos jours1 d’ordre « Dé-Rabanane ». Toutefois, tous sont unanimes pour affirmer la sainteté de ces jours où le travail personnel de midot/traits de caractère et de tikoun/réparation est du même niveau qu’à l’époque du Beth-Hamikdache.

Le Rachba demande dans ses Techouvot (Tome3 Chap284) comment pouvons-nous faire la bénédiction sur la Séfirat Haômère alors que nous n’offrons plus le Korbane en l’absence du Beth-Hamikdache ?

Généralement, pour pouvoir faire une bénédiction sur un acte, l’objet de la Mitsva doit être présent, comme la Méguila, le Chofar, les Tsitsit, la nourriture… Le Rachba répond : à l’époque du Beth-Hamikdache, la bénédiction ne dépendait pas du fait d’apporter le Korbane du Ômère car elle portait sur la Séfira, une Mitsva à titre individuel, comme il est dit « וּסְפַרְתֶּם לָכֶם / Vous compterez pour vous… », alors que le Korbane du Ômère était collectif.

Même hors des limites de Yérouchalayim, il fallait compter la Séfira avec brakha. Car la Séfira ne dépend pas du fait que l’on ait apporté le Korbane ou pas ; le Korbane marque seulement la date du début de ce compte.

De nos jours aussi, en l’absence du Beth Hamikdach, nous n’avons pas la possibilité d’apporter le Korbane mais nous devons tout de même compter avec brakha.

Il est une deuxième raison à ce compte, celle de célébrer la fête de Chavouot le cinquantième jour, comme la Torah nous le recommande : « Vous compterez pour vous, du lendemain du Chabbat … jusqu’au lendemain du septième Chabbat, vous compterez cinquante jours, vous approcherez une nouvelle Min’ha à Hachem ». Et c’est sur ce compte que nos sages ont institué la brakha de la Séfirat Haômère.

Le Rachba termine en rapportant au nom du Rav Baal Ha Itour un Midrach relatant que Moché annonça la délivrance prochaine aux Bneï Israël et ajouta qu’au terme de cinquante jours après leur sortie d’Égypte, ils recevraient la Torah. « Quand tu auras fait sortir le peuple d’Égypte, vous servirez Ha-Elokim sur cette montagne-ci » (Chémot 3;12), ce qui fait allusion au don de la Torah sur le mont Sinaï.

Enthousiasmés par cette nouvelle, dès la sortie d’Égypte  les Bneï Israël se mirent à compter les jours qui les séparaient du don de la Torah : « Un jour est passé, deux jours » et ainsi de suite, en se disant qu’ils se rapprochaient de ce jour tant attendu.

Hakadoch Baroukh Hou ordonna, les années suivantes, de compter les jours qui séparent Pessa’h de Chavouot.

Le Rav Baal Ha Itour explique que nos sages ont institué ce compte pour savoir à quel moment célébrer la fête de Chavouot, comme l’on fait les Bneï Israël après leur sortie d’Égypte.

4) Compter le temps pour ne pas oublier Hachem

Le Maté Moché explique que le monde est dans un état d’inquiétude de Pessa’h à Chavouot à propos des récoltes des champs et des fruits.

La Michna (Roch Hachana 16a) enseigne que le monde est jugé à quatre périodes : à Pessa’h sur la récolte des champs, à Chavouot sur les fruits de l’arbre, à Roch Hachana sur le destin de l’homme et à Souccot sur l’eau.

Rabbi Yéhouda, au nom de Rabbi Akiva, explique la raison pour laquelle la Torah demande d’apporter le Ômère à Pessa’h.

Puisque Pessa’h est le moment du jugement pour la récolte des champs, Hakadoch Baroukh Hou ordonne d’apporter le Korbane du Ômère afin de bénir les futures récoltes.

Et pourquoi la Torah demande t-elle d’apporter deux pains à Chavouot ?

Les deux pains apportés à Chavouot sont issus des prémices de la récolte du blé. Ces deux pains permettront d’apporter au Beth-Hamikdache les prémices/bikourim, les premiers fruits arrivés à maturité de chacune des sept espèces par lesquelles la Torah fait la louange d’Erets Israël (Devarim 26;1). Ces fruits ne peuvent être apportés qu’après l’offrande des deux pains. Hakadoch Baroukh Hou a donc ordonné au Bneï Israël d’apporter ces deux pains pour les faire bénéficier de la bénédiction sur la récolte des fruits de l’arbre.

Étant donné que les travaux des champs conduisent l’homme à oublier la dimension spirituelle, la Torah entoure les travaux agricoles de Mitsvot obligeant l’agriculteur à garder à l’esprit que tout dépend du Tout-Puissant. Hakadoch Baroukh Hou demande de compter sept semaines entre Pessa’h et Chavouot pour nous rappeler l’inquiétude du monde en cette période [à propos des récoltes des champs et des fruits], où chacun prie de pouvoir récolter et apporter les deux pains de la nouvelle récolte. Cette « inquiétude collective » nous conduira à faire téchouva et à revenir vers notre Créateur.

Le Maté Moché nous offre une seconde explication :

Rachi dans son commentaire sur le verset 13;35 de Bamidbar explique que « la superficie d’Erets Israël est de 400 parsa sur 400 parsa et qu’un homme moyen n’est capable de parcourir que dix parsa par jour ». Le Maté Moché fait le calcul suivant :

le Beth-Hamikdache est situé précisément au centre d’Erets Israël, ce qui laisse 200 parsa de chaque coté. Il fallait au maximum 20 jours pour parcourir à pied ces 200 parsa, car un homme normal parcourt 10 parsa par jour.

Lors de la fête de Pessa’h, les pèlerins restaient sept jours à Yérouchalayim et après la fête, le dernier à arriver rentrait chez lui après vingt jours de marche. Il lui fallait aussi encore vingt jours pour retourner à Yérouchalayim pour la fête de Chavouot, soit un total de 47 jours.

Sur les 49 jours qui séparaient Pessa’h de Chavouot, il restait donc au maximum deux jours où les voyageurs pouvaient rester se reposer dans leur demeure.

De peur qu’ils se reposent plus que prévu et ne soient pas de retour à temps pour Chavouot, la Torah ordonne de compter les jours pour éviter tout oubli malencontreux !

Dans le même ordre d’idées, Aboudaram explique que les jours qui séparent Pessa’h de Chavouot sont des jours où les agriculteurs travaillent leurs terres et se trouvent de ce fait constamment dans les champs.

Pris par leur activité intense, ils risquent de perdre la notion du temps et des dates. Ils pourraient donc manquer la fête de Chavouot et le Korbane qu’ils devaient offrir.

C’est pour cela, termine Aboudaram, que la Mitsva de la Séfirat Haômère a été donnée, pour leur permettre de ne pas perdre la notion du temps grâce au compte des 49 jours entre Pessa’h et Chavouot.

5) Le moment prévu pour le Korbane Haômère

« Vous compterez pour vous, du lendemain du Chabbat », La Torah nous donne dans ce verset le commandement de compter.

Ici, l’expression « Chabbat » désigne le premier jour de Pessa’h. Nous commençons donc à compter le Omère le deuxième jour de la fête de Pessa’h, lorsqu’on offrait le Korbane du Omère.

A partir de ce jour, nous comptons sept semaines entières et le cinquantième jour, nous fêtons la fête de Chavouot et y offrions une Min’ha du nouveau blé.

Les sadducéens/tsédoukim, personnes appartenant à une secte hérétique à l’époque du second Beth-Hamikdache, niaient la loi orale et refusaient d’accepter l’interprétation de la Torah écrite que donnent les Sages de la Torah.

Dans le cas de la Séfirat Haômère, ils prétendaient que le ”Chabbat” mentionné dans notre verset correspond au Chabbat de la semaine (samedi). Selon eux, le compte débute toujours un dimanche et de ce fait, Chavouot aussi tombe toujours un dimanche.

Nos sages rapportent plusieurs preuves pour réfuter la thèse des Sadducéens :

– Dans la Torah, le mot « Chabbat » est souvent employé pour désigner un jour de fête. Chabbat étant un jour de repos où nous n’effectuons aucun travail, il convient aussi aux jours de fête.

Aussi, comme il est écrit dans la Torah : « vous compterez cinquante jours »,cela signifie que même si Pessa’h tombe au milieu de la semaine, le compte sera de 50 jours et Chavouot tombera au milieu de la semaine.

– Le compte doit être exactement de 50 jours. Si nous suivons l’avis des sadducéens et que Pessa’h tombe par exemple un jeudi, le compte serait de 52 jours.

– Si la Torah parlait du dimanche, duquel s’agirait-il ? Alors qu’ici, il est clair que c’est le lendemain de Pessa’h.

La Torah ordonne : « Vous compterez pour vous, du lendemain du Chabbat » et non pas le lendemain de Pessa’h. Le Méam Loez explique que le terme « Chabbat » signifie cessation, repos.

Le verset peut se comprendre ainsi : « Vous compterez pour vous, du lendemain de la cessation »... de votre impureté. Dés la sortie d’Égypte, les Bneï Israël cessèrent d’être imprégnés de l’atmosphère impure égyptienne.

Nous pouvons faire un parallèle avec l’impureté féminine due à la menstruation/nida. Le compte des sept jours de pureté ne peut débuter qu’après l’arrêt total du flux.

Les Bneï Israël sont sortis d’Égypte le jour de Pessa’h, jour où ils étaient encore en contact avec l’impureté égyptienne. Ils n’ont donc pu commencer le compte de sept semaines complètes que le lendemain de la sortie d’Égypte, soit le lendemain de Pessa’h’.

Le Rav Dessler va dans le même sens, et explique que la Torah fait allusion à un concept déjà utilisé du terme Chabbat en tant que cessation.

Dans le verset : «בַּיּוֹם הָרִאשׁוֹן תַּשְׁבִּיתוּ שְּׂאֹר מִבָּתֵּיכֶם /… Le premier jour [de Pessa’h] vous ferez cesser/tachbitou le levain de vos maisons… » (Chémot 12;15), le terme « cesser/tachbitou » et le terme « Chabbat » ont la même racine.

Ainsi, dans le verset concernant le compte du Omère, le Chabbat désigne une cessation de notre association avec l’impureté égyptienne. Dans le même ordre d’idées, pourquoi la Torah demande-t-elle de compter « jusqu’au lendemain du septième Chabbat » et non pas « jusqu’à Chavouot » ?

Le Rav Dessler explique que les semaines qui suivent du compte sont aussi appelées « Chabbat », afin de bien enraciner l’idée que la note dominante qui les caractérise est l’extraction complète, au moyen d’un effort continuel et soutenu, de toute l’impureté qui pourrait subsister en nous.

Aussi la Torah désigne ces semaines par l’expression « Chabbat/cessation ». Elle dit : « sept Chabbatot complètes »,et non pas sept semaines complètes, pour nous faire comprendre que lors de chacun de ces « Chabbat », leur impureté décroissait jusqu’à cesser totalement à la fin du septième Chabbat.

Comme nous l’avons écrit précédemment, le premier jour de la Séfirat Haômère, l’offrande est constituée d’orge, mais à Chavouot elle sera une offrande de blé, deux pains ‘hamets. Pourquoi cette différence entre ces deux offrandes ?

Les sages enseignent que l’orge est une céréale réservée principalement à l’alimentation animale, tandis que le blé est destiné à l’alimentation de l’homme. Que nous enseigne ici la Torah ?

Lorsqu’elle ordonne d’offrir à Pessa’h le Korbane Haômère d’orge et non de blé, c’est parce que l’impureté contractée en Égypte faisait ressembler les Bneï Israël à des animaux se nourrissant d’orge.

Mais au cinquantième jour, lorsque cette impureté disparut, Hakadoch Baroukh Hou leur ordonna d’offrir deux pains de blé car ils n’étaient plus semblables à des animaux, mais bien au contraire, ils avaient atteint la perfection humaine.

En règle générale, on n’apportait au Beth-Hamikdache que des offrandes de Matsa, non pas de ‘hamets. Quelle est donc la particularité de ces deux pains de Chavouot qui étaient ‘hamets ?

Nous savons que le ‘hamets symbolise le yétser hara/penchant au mal. Nouvellement sortis d’Égypte où ils avaient baigné dans l’impureté, les Bneï Israël n’étaient pas en mesure de consommer du ‘hamets, car ils n’avaient pas les moyens de surmonter le yétser hara. C’est pour cette raison que leur première offrande, celle du Omère, est composée d’orge et n’est pas ‘hamets.

Par contre, cinquante jours plus tard, après s’être purifiés et avoir reçu la Torah, les Bneï Israël étaient aptes à se mesurer au yétser hara, et ont donc apporté une offrande de deux pains ‘hamets.

6) Le chiffre 7

Le chiffre 7 a une dimension très particulière dans la Torah. Il revient dans plusieurs notions importantes :

Hakadoch Baroukh Hou créa le monde en 7 jours, 7 cieux, 7 sefirot (sphères célestes), 7 jours de pureté, 7 bénédictions nuptiales, 7 jours de deuil, la septième année de chmita, Chabbat le septième jour, 7 jours de Pessa’h, 7 jours de Soukot, les 7 lois des Bneï Noa’h (non-Juifs)…

Les sages de la kabala, expliquent que le chiffre 7représente la שלמוּת, l’intégralité, la perfection, l’absolu.

[Le sujet est vaste et les explications sont nombreuses et profondes. Cet ouvrage a pour but d’expliquer et de développer essentiellement le sens simple. Pour les explications ésotériques, il faudra attendre d’atteindre l’âge de quarante ans, comme le préconise le Chakh (Yoré Déa 246;6) ou bien, comme le dit le Rambam (Hilkhot Yessodei Hatorah 4;13) d’avoir bien assimilé le Chass et les Poskim.]

Le Rav Pinkus Zatsal retrouve cette intégralité dans les 7 jours de la Création, et explique notre compte du Ômère de 7 fois 7.

L’image des 7 jours de la création représentée par le ciel, la terre, la lumière, les plantes, les animaux n’est qu’extérieure. Ce n’est qu’une vitrine.

C’est en remplissant ces 7 jours par la Torah, qui est le côté intérieur du monde, que la Création prend tout son sens.

La Torah représente le plan architectural à l’origine du monde, comme le mentionne le Zohar : « D.ieu a contemplé la Torah afin de créer le monde ». D. s’est inspiré de la Torah, comme d’un plan, pour créer le monde.

L’image parfois trompeuse peut falsifier la vérité cachée à l’intérieur.

Le Rav Pinkus Zatsal l’explique à travers la parabole suivante :

Prenons par exemple un portrait du ‘Hafets ‘Haïm. La plus belle des photos ne nous donnera jamais la véritable dimension intérieure de la personnalité pure et sainte du ‘Hafets ‘Haïm.

De même pour la nature, les 7 jours de la création ne sont que le portrait du monde ; sans Torah, ce monde restera une belle image vide.

C’est le principe de la Séfira, sept fois sept (7 semaines de 7 jours).

Sept représente la שלמוּת/l’intégralité.

Le compte du Omère (7×7) va nous permettre de remplir de sens le sept du sept, la שלמוּת de la שלמוּת!

Grâce à la Séfira nous donnons une vie à l’image, nous ravivons la néchama/âme qui est en nous.

De plus, le chiffre 7 s’écrit en hébreu שְׁבַע/chéva, mot ayant la même racine que שבוע/chevoua qui signifie serment.

Ce serment est un signe d’engagement d’accomplir notre sainte Torah, qui ne sera donnée qu’à la fête de Chavouot/שבועות, nom que l’on peut traduire soit par fête des semaines soit par fête des serments.

Nous pouvons constater que Chavouot n’a pas de traité de Guémara portant son nom, contrairement aux autres fêtes : Pessa’him pour Pessa’h, Méguila pour Pourim, Souka pour Soukot etc.

Cependant, il existe le traité שבועות/Chevouot qui a priori n’a rien à voir avec la fête, car il traite principalement des serments.

Mais curieusement, ce traité comporte 49 pages !

Il y a un lien intrinsèque entre le serment, le fait de s’engager, et le don de la Torah.

Lors du don de la Torah, chacun des Bneï Israël a fait le serment de recevoir la Torah. L’ouvrage « Minagueï ‘Hatam Sofer » rapporte que le ‘Hatam Sofer avait pour habitude d’étudier ce traité entre Pessa’h et Chavouot.

La fusion des notions de serment et d’intégrité sont des éléments essentiels envers Hakadoch Baroukh Hou pour recevoir la Torah.

Le verset dit à propos de la Sefirat Haômère :

« Vous compterez pour vous, du lendemain du Chabbat , du jour où vous apporterez le Ômère de l’offrande balancée, sept semaines complètes. » (Vayikra 23.15)

Ensuite, à la fin de ce compte, « Ce jour-là [Chavouot] sera célébré comme une convocation sacrée. Vous ne ferez où aucun travail d’utilité. C’est un statut éternel pour toutes les générations, partout où vous vivrez. » (Vayikra 23.21).

Il est intéressant de voir que la fête de Chavouot/semaines tire son nom du temps écoulé. Chavouot tire son nom des « semaines/chavouot » passées. Chavouot commence, si l’on peut dire, à Pessa’h.

Le Ramban (parachat Emor), explique que les 7 semaines qui séparent Pessa’h de Chavouot sont considérées comme des jours de ‘Hol Hamoëd.

La fête de Chavouot porte aussi le nom de Atsérète, qui signifie clôture, à l’instar de Chémini Atsérète qui clôture les sept jours de Soukot.

Il est écrit : « Au huitième jour, ce sera pour vous une convocation de sainteté… c’est une clôture » Il s’agit du huitième jour qui suit la fête de Soukot, désigné par le nom de Chémini Atsérète/le huitième de clôture.

Aussi, il y a 7 semaines entre Pessa’h et Chavouot. Chavouot est surnommée par nos sages Atsérète parce qu’elle est le Chémini Atsérète de Pessa’h : elle vient clôturer la fête, elle est son aboutissement.

Chavouot est en fait l’aboutissement de Pessa’h. Ces semaines de compte viennent expliquer la raison de la sortie d’Égypte.

Ces sept semaines commencent par la semaine de Pessa’h et par la consommation de la Matsa, après l’annulation de tout ‘hamets.

La Matsa est un aliment ayant presque un rôle thérapeutique sur la néchama.

Le Rav Rav Pinkus Zatsal demande : si la Matsa est tellement bonne pour la néchama, pourquoi ne pas s’en nourrir tout au long de l’année ? Pourquoi sept jours seulement ?

Il répond qu’un nouveau-né se nourrit uniquement de lait maternel, car cette nourriture est saine et complète pour sa croissance. En effet, il ne peut pas tout manger à cet âge précoce.

Mais une fois ce stade passé, il aura reçu tous les éléments essentiels à sa croissance et pourra passer à une autre nourriture.

De la même façon, Pessa’h et la sortie d’Égypte représentent la naissance du Am Israël/peuple juif, un événement qui rend Israël comparable à un nourrisson aux yeux de D.ieu. La Matsa représente ce lait maternel, essentiel pour la croissance du peuple ; une fois passée cette étape, elle ne lui sera plus indispensable.

Le Rav Dessler fait remarquer que la Mitsva de compter existe aussi lorsque l’on contracte une impureté et qu’il faut compter les « sept jours de pureté » avant de se purifier, comme il est dit : « Lorsque l’homme ayant eu un écoulement sera purifié de son écoulement, il comptera pour lui sept jours pour sa purification… Lorsqu’une femme a son flux, du sang qui s’échappe de son corps, pendant sept jours elle sera [impure] à cause de sa menstruation … elle devra compter pour elle-même sept jours, et seulement ensuite elle pourra entreprendre sa purification » (Vayikra 15;13, 19, 28).

Quel lien y a-t-il entre la Mitsva de Séfirat Haômère et du compte de la Nida2?

Le Zohar (parachat Emor 98b) établit un lien rentre ces deux comptes :

« Lorsque les Bneï Israël sont sortis d’Égypte, ils sont sortis de leur impureté et ont pu offrir le Korbane Pessa’h et manger à la table de leur Père. De ce moment-là, ils ont compté les jours pour se rapprocher, comme une femme compte pour s’unir à son mari. Ces cinquante jours de compte sont des jours de purification pour recevoir la Torah. »

Pour introduire notre sujet et mieux le comprendre, étudions un état impureté que nous connaissons et qui s’applique de nos jours : celui de la femme nida.

La Torah considère le statut d’une femme nida comme un état d’impureté spirituelle.

Pour s’en défaire, il est nécessaire de procéder à une purification prescrite par la Torah qui obéit à deux principes indissociables, qui sont le temps et l’acte.

Le temps, c’est le hefsek tahara3suivi des chiva nekiim4(7 jours de propreté).

Rappelons-le, les 7 jours de propreté doivent être consécutifs, c’est-à-dire que durant ces sept jours, aucun flux sanguin ne doit se manifester. Le moindre signe d’impureté invalide les jours déjà comptés et écoulés, et il faut reprendre le compte depuis le début. Quant à l’acte, c’est l’immersion dans le mikvé5.

Ces trois procédures successives – hefsek tahara, chiva nekiim et immersion dans le mikvé – sont indispensables, et le moindre défaut de l’une d’elles maintiendra la femme dans son statut de nida.

Nos sages comparent la relation des Bneï Israël à Hakadoch Baroukh Hou à celle d’une femme et son mari. Les Bneï Israël représentent une jeune fiancée sortie d’Égypte qui doit se marier à Hakadoch Baroukh Hou sous la ‘houpa au mont Sinaï.

Comme toute fiancée, les Bneï Israël devaient procéder à un processus de purification pour pouvoir s’unir à leur Fiancé.

Le Maharcha (Avoda Zara), définit les sept semaines de la Séfirat Haômère comme Kadoch/saintes, pures, car c’est le moment où Am Israël s’est purifié devant Hakadoch Baroukh Hou jusqu’à ce qu’ils aient mérité l’union à D.ieu par le don de la Torah.

Nous savons que les Bneï Israël avaient atteint en Égypte 49 degrés d’impureté et d’immoralité. Se trouvant au seuil du cinquantième degré qui constitue une chute irrévocable, ils devaient remonter les échelons vers la sainteté.

En effet, le Zohar (parachat Bechala’h) enseigne que s’ils avaient atteint ce cinquantième degré, Hakadoch Baroukh Hou n’aurait pas voulu les délivrer.C’est pourquoi, dans Sa grande bonté, Hachem précipita leur délivrance et écourta leur séjour, des 400 ans prévus, à 210 ans.

L’ouvrage « ‘Hessed lé Avraham » affirme que même aujourd’hui, si une personne se conduit de manière mauvaise ou de manière juste pendant 400 jours consécutifs, elle entrera par la cinquantième porte, de laquelle elle n’aura « presque pas » la possibilité de sortir.

Aussi le Yalkout Yits’hak (Mitsva 307§7) et le Méam Loez expliquent que ces sept semaines correspondent à sept types d’impureté contractée en Égypte et dont ils n’avaient pas pu se purifier.

Les voici :

  1. Toumat nida, due à la menstruation. (Vayikra 15;24)
  2. Toumat zav ou zava, flux masculin ou féminin. (Vayikra 15;13/28)
  3. Toumat yolédeth, l’accouchée. (Vayikra 12;3)
  4. Toumat mèt, le contact avec un mort. (Chémot 19;16)
  5. Nigueï hagouf, la tsaraat (affection de la peau). (Vayikra 13;34)
  6. Nigueï begadim, la tsaraat sur les vêtements. (Vayikra 13;50)
  7. Nigueï batim, la tsaraat sur les murs des maisons. (Vayikra 14;38)

Le compte du Ômère sera pour nous aussi, qui voulons nous unir à la Torah, un moyen de transition du mal vers le bien, de l’impur vers le pur.

Ce compte de sept fois sept semaines nous demande d’examiner très attentivement nos faits et gestes afin d’éviter tout retour vers une pollution morale.

La Séfirat Haômère va nous permettre de nous déconnecter de l’obscurité de ce monde empli d’irisation, d’illusion et de mensonge, semblable à l’atmosphère égyptienne qui règne encore de nos jours.

Le Rav Leib ‘Hassman, dit que le monde ressemble un écran sur lequel on projette un film. Une fois la lumière rallumée, les images sur l’écran disparaissent ! La Séfirat Haômère nous permet de rallumer la vraie lumière du monde, la lumière de la Torah, comme il est dit : « Car la Mitsva est une bougie, et la Torah une lumière » (Michlé 6;23).

La parabole suivante illustre bien la notion du compte suivi : si nous voulons faire bouillir un litre l’eau dans une bouilloire, il faudra la laisser au moins quinze minutes sur le feu pour qu’elle arrive à ébullition. Mais attention : quinze minutes, ce n’est pas trois fois cinq minutes. Si nous retirons la bouilloire du feu toutes les cinq minutes pour l’y reposer ensuite, l’eau n’arrivera jamais à ébullition.

Il en sera ainsi pour nous : si nous voulons « entrer en ébullition » pour la Torah, il faut le faire sincèrement, sans interruption qui pourrait nous refroidir.

Il est écrit : « Vous compterez pour vous, depuis le lendemain du Chabbat » – on ne commence le compte qu’après être sorti d’Égypte.

Le Séfer Ha’hinoukh explique que la Torah nous ordonne de commencer ce compte le deuxième jour de Pessa’h seulement et non le premier. Car le premier jour doit être réservé à la réflexion sur la sortie d’Égypte, qui est le fondement de notre Emouna envers Hakadoch Baroukh Hou. En ce jour, aucun autre sujet ne doit détourner notre attention de cette méditation essentielle.

Aussi, comme nous venons de l’expliquer, comme le compte des jours de propreté de la femme Nida doit être successif, il en est de même de la Séfirat Haômère.

Et puisque la sortie d’Égypte s’est déroulée le jour, on ne pourra commencer le compte qu’après avoir réellement quitté l’Égypte, le deuxième jour de Pessa’h’.

Le Or Ha’haïm explique que puisque le jour de leur sortie d’Égypte, ils sont restés quelques heures dans cette Égypte impure, cela aurait annulé leur compte.

Et comme le dit le verset au sujet du compte, ces semaines doivent être « complètes » !

Le Kaf Ha’haïm (simane 489 §4) rapporte le passage suivant du Zohar (parachat Emor 97b) : « Tout homme qui n’a pas effectué ce compte de sept semaines entières, pour mériter d’être pur, ne sera pas appelé pur et ne sera pas considéré comme pur. Il ne vaudra pas la peine pour lui d’avoir une part dans la Torah !

Et celui qui arrivera pur ce jour [de Chavouot], avec le compte [du Omère] entier, devra la nuit de Chavouot étudier et se lier à la Torah, pour garder la grande Kédoucha/sainteté qui se déversera sur lui cette nuit là, et il sera purifié. »

En conclusion, la particularité de la fête de Chavouot est l’offrande qui devait être apportée en ce jour.

Contrairement à tous les autres jours de l’année où il est interdit d’apporter une offrande communautaire ‘Hamets (fermentée), la communauté devait apporter à Chavouot deux pains faits à partir de la nouvelle récolte. « Du pain, du grain grillé [farine faite de grains séchés au four] et du gruau [les grains eux-mêmes], vous ne mangerez pas jusqu’à ce jour même, jusqu’à que vous ayez apporté le Korbane [du Ômère] de votre D.ieu. C’est un statut éternel pour vos générations, dans tous vos lieux de résidence. »

La précipitation de la sortie d’Égypte, symbolisée par la Matsa de Pessa’h qui n’a pas eu le temps de lever, n’a plus de raison d’être ! Au jour du don de la Torah, nous offrons deux pains de blé fermenté en signe de liberté totale.

La liberté ! Mais pour quoi faire ? Pour ne pas détourner notre pensée de notre amour pour Hachem, nous nous mettons immédiatement à compter.

La Séfirat Haômère est un train dont la station de départ est le lendemain de Pessa’h’ et au trajet de 7 semaines. Nous avons l’obligation de nous arrêter à chaque station, chaque jour, pour nous rappeler de l’infinie bonté d’Hachem et nous rapprocher de lui pour arriver à notre destination, le don de la Torah au Mont Sinaï.

1À l’heure où nous éditons cet ouvrage, le Beth-Hamikdache n’a toujours pas été reconstruit et c’est pour cette raison que nous avons répondu ainsi. Mais avec l’aide d’Hachem, nous espérons voir très bientôt la délivrance finale et la construction de troisième Beth-Hamikdache, et accomplir la Mitsva de la Séfirat Haômère « Dé-Oraïta » selon tous les avis.

2Nida : Statut de la femme impure lié généralement à un écoulement sanguin issu de l’utérus. Lorsqu’elle est nida, la femme n’est pas autorisée à avoir de contact physique avec son mari. Ce statut sera en vigueur jusqu’à ce que se soit écoulé le nombre de jours requis et qu’elle ait accompli le processus de purification qui se termine par l’immersion dans un Mikvé.

3Hefsek Tahara : Examen qui permet de constater l’arrêt des écoulements et de commencer le compte des chiva nekiim, indispensable avant l’immersion.

4Chiva nekiim : Il s’agit du compte des sept jours de propreté. Ils sont indispensables pour que la purification par l’immersion dans le Mikvé soit valide. Durant ces sept jours, la femme effectue quotidiennement un examen intime assurant l’absence de saignement.

5Mikvé : Bain rituel aux caractéristiques précises définies par la Torah, qui a la propriété de purifier les personnes et les objets qui s’y trempent. L’eau qui le compose doit être recueillie par des moyens naturels et contenir un volume d’eau d’au moins 40 séa (environ 332 litres).