21 novembre 2024

Paracha Ekev – La grappe de raisin

Il y a environ cinq cents ans, le roi Moulaï Mamon régnait en Tunisie. Il tomba gravement malade et seul un médecin juif du nom de Yaakov Taïeb réussit à le guérir. Le roi le nomma médecin attitré du roi. Rabbi Yaakov Taïeb était un homme instruit dans tous les domaines, c’était un homme droit. Le roi lui posait beaucoup de questions et le médecin lui donnait des réponses bien argumentées. C’est ainsi que le cœur du roi s’imprégna de la connaissance de son Créateur et du désir de le servir. Le roi comptait parmi les plus grands amis des Juifs. Certains affirment même qu’il se serait converti en secret.

Un jour, il reçut le roi d’Algérie. Ils s’assirent sous une vigne. Alors que le roi d’Algérie parlait, il se rendit compte que son interlocuteur ne l’écoutait absolument pas. Le roi de Tunisie était en effet occupé à observer une grappe de raisins posée devant lui. Le roi d’Algérie se vexa : “A quoi penses-tu?” Il répondit: “Aux merveilles de la Création!” Le roi d’Algérie demanda étonné: “De quelles merveilles parles-tu?” Le roi de Tunisie rétorqua: “Du raisin, ce fruit si exquis, dont l’arbre, la vigne, est faite d’un bois creux et inapte à toute utilisation.” Le roi d’Algérie éclata de rire: “Sommes-nous venus pour bavarder de futilités de ce genre? Serais-tu devenu un philosophe qui tue le temps par de vaines pensées?” Le roi de Tunisie s’insurgea: “En quoi l’homme est-il différent des animaux si ce n’est par sa faculté de réfléchir et de penser?!” Le roi d’Algérie lui répondit: “C’est vrai; mais cette faculté doit être utilisée pour arriver à des conclusions pratiques.” Le roi de Tunisie rétorqua: “Qui a dit que ces questions sont sans réponse?

Appelons de suite mon médecin, Yaakov Taïeb!” L’invité se mit en colère: “Tu prétends trouver un savoir chez les Juifs?” L’hôte répondit: “Où veux-tu trouver la sagesse si ce n’est justement chez les Juifs; toutes les nations du monde se sont inspirées du Judaïsme!” Entre temps, le médecin juif arriva et se prosterna devant le roi.

Le roi de Tunisie l’interrogea: “Pourquoi le bois de la vigne est-il creux et fragile tandis que son fruit, le raisin, est si juteux et sucré?” Le médecin répondit: “Cette question est très ancienne et il existe plusieurs réponses. Deux réponses proviennent des scientifiques et deux autres ont été données par les sages d’Israël.” Le roi de Tunisie s’en réjouit et dit: “Nous voudrions entendre ces réponses pour nous instruire davantage!”

Le médecin juif commença: “Les scientifiques affirment que les deux choses dépendent l’une de l’autre. Le raisin étant un fruit juteux et raffiné, il pompe toute la vitalité de la vigne, qui s’affaiblit et devient poreuse. Ils ajoutent que comme le fruit sert entièrement à fabriquer une boisson, l’arbre doit être poreux afin de permettre à l’humidité de la terre de transiter par lui jusqu’au fruit qui peut ainsi recevoir de l’eau en quantité nécessaire. Ces deux affirmations proviennent des hommes de sciences.”

Le roi interrogea ensuite: “Et que disent les sages de ton peuple?” Le médecin répondit: “Premièrement, nos sages expliquent que le fruit de la vigne est raffiné et béni. On s’en sert pour fabriquer du vin qui réjouit le cœur des hommes; on asperge également du vin sur l’autel des sacrifices dans le Temple. Le vin sert à accomplir de nombreuses mitsvot. Le Kidouch et la havdala de Chabath et des fêtes; les quatre coupes de vin de Pessa’h; les bénédictions durant les fiançailles et le mariage; le Pidiyon haben et le Birkat hamazon. Ainsi, le Créateur ne voulait pas que la vigne soit utilisée pour fabriquer des idoles ou des masques. La seconde raison est la suivante: le peuple juif est comparé à la vigne car Israël est faible mais la Torah et les mitsvot sont belles et raffinées.

Si vous me permettez, votre majesté, je voudrais ajouter quelques propos: la vigne sert à fabriquer du vin. Quand une personne boit raisonnablement du vin, elle est joyeuse; mais si elle en abuse, elle perd la raison. Il en est de même pour Israël. Celui qui impose aux Juifs des taxes raisonnables, réussira et se réjouira. Mais celui qui impose de lourds impôts et leur fait subir un joug difficile échouera comme Pharaon et tous les oppresseurs d’Israël !” Le visage du roi de Tunisie s’éclaira de joie à l’écoute de ces réponses tandis que celui du roi d’Algérie se ternit.

Rav Moché Bénichou