15 novembre 2024

BECHALA’H: Le poulet est servi!

L’aube se leva sur le camp des enfants d’Israël dans le désert. Ils levèrent les rideaux de leurs tentes et certains découvrirent avec bonheur leur portion de manne devant leur tente: elle était déposée dans une boite en cristal enveloppée d’une couche de rosée glacée, un ômer par personne. Les autres, en revanche, un peu décontenancés, sortirent chercher leur portion de manne. Ce n’était toutefois pas très agréable car tout le monde voyait qu’ils ne faisaient pas partie des tsadikim… Ils sont sortis du camp et ils ont attendu pour prendre leur portion destinée aux gens moyens. Mais certains n’avaient même pas ce mérite: “Le peuple se dispersait pour la recueillir”, ils devaient sortirent et se disperser, s’éloigner, se traîner sur le chemin jusqu’à ce qu’ils trouvent la manne (Yoma 75a).

Le seul point commun entre tous: recueillir la manne et la rapporter. Ils recevaient tous leur portion, certains avec beaucoup de peine et d’autres moins. Celui qui restait dans sa tente en se croisant les bras restait affamé et sa portion fondait: “lorsque le soleil chauffait, elle fondait” (Chémot 16-21). Ceux qui recueillaient la manne avaient toutes les raisons de se dire:

Nous avons fourni des efforts, nous nous sommes fatigués et nous avons trouvé. Mais serait-ce juste de penser ainsi? C’est vrai, ils se sont efforcés afin de la trouver et la recueillir.

Mais dans mékhilta il est écrit: “Moché et Aaron ont dit aux enfants d’Israël: “Même quand vous dormez dans vos lits, c’est D. qui vous donne votre subsistance”. Il existe un verset explicite: “Lorsque la rosée descendait sur le camp, la nuit, la manne y tombait avec elle” (Bamidbar 11-9). Ce qui signifie que la manne était déjà prête pour chacun d’entre eux, et même s’ils devaient peiner et partir la chercher pour la prendre, chacun la trouvait prête et rapportait ce qui lui avait été préparé d’avance. Pour expliciter ces réflexions, voici une histoire rapportée dans la guémara (Kétouvot 67B).

Un pauvre se présenta chez Rava. Il fut reçu chaleureusement et Rava lui demanda: “Que désirez-vous manger?” Le pauvre répondit: “Du poulet farci accompagné de vieux vin”, pas moins… Rava fut surpris: “Comment pouvez-vous vous permettre un menu pareil? Vous n’êtes pas riche et vous vivez de la charité, comment vous accordez-vous un pareil luxe?” Le pauvre répondit: “Est-ce vraiment de la charité que je dépends? Je mange à la table de D. !” Puis il ajouta: ” N’est-ce pas un verset explicite: “Tous les yeux se tournent avec espoir vers Toi, et Toi, Tu leur donnes leur subsistance en temps voulu” (Psaumes 145-15). Il n’est pas écrit en temps voulu au pluriel mais au singulier ce qui vient nous enseigner que D. donne à chacun d’entre nous sa subsistance au moment précis où il en a besoin. Soudain, un invité entra chez Rava. Plus précisément, une invitée. C’était la sœur de Rava, qu’il n’avait pas vue depuis treize ans et qui lui rendit visite ce jour-là. Bien entendu, elle n’entra pas les mains vides chez son frère. Elle apporta un plat de poulet farci accompagné de vieux vin… Rava s’exclama: “Qu’est-ce que c’est?” (Rachi commente: que se passe-t-il? Je ne suis pas habitué que ma sœur vienne me rende visite et m’apporte un poulet farci accompagné de vieux vin). Rava dit au pauvre: “Je vous demande pardon (j’ai trop parlé), vous êtes servi”…

Cette histoire est étonnante! Le fait que la sœur de Rava rendit visite à son frère le jour même où le pauvre vint frapper à la porte de Rava et apporta exactement le plat que le pauvre désirait démontre que nous mangeons à la table de D. ! Vu qu’elle n’avait pas rendu visite à son frère pendant treize ans, elle devait habiter très loin. Ainsi, elle avait dû partir de chez elle longtemps avant que le pauvre ne vienne frapper à la porte de Rava et avant que Rava n’interroge le pauvre sur les détails de son menu alimentaire ce jour précis.

Que comprenons-nous de ces faits étonnants? Du Ciel, on s’inquiète de notre subsistance, on connaît l’adresse à laquelle la nourriture doit arriver… Ainsi, il nous incombe de fournir des efforts pour obtenir notre subsistance; mais une fois que nous l’avons obtenue, nous devons admettre que c’est ce qui nous revenait d’avance que nous avons atteint!

Rav Moche Benichou