La Torah nous ordonne : « Vous mortifierez vos âmes le neuf du mois » (Vayikra 23, 32) et nos Sages de demander (Roch Hachana 9a) : « Jeûne-t-on le neuf ? Ce n’est pourtant que le dix du mois que l’on jeûne ? Cela pour t’enseigner que tout celui qui mange et qui boit le neuf, on lui compte comme s’il avait jeûné le neuf et le dix. »
Le Levouch explique que, malgré tout, la Torah s’est exprimée en terme de mortification et n’a pas tout simplement dit ”vous mangerez le neuf” pour nous suggérer qu’Hachem nous donne le même mérite dans cette Mitsva que si nous l’avions accomplie à grande peine, suivant le principe de ”Lifoum Tsaara Agra” (la récompense est proportionnelle à l’effort fourni).
Le Chla rapporte au nom du Ramak (dans son livre Avodat Yom Kippour) que l’on accomplit la Mitsva de manger la veille de Yom Kippour parce qu’il est impossible de se réjouir le jour même, au moment où nos yeux sont tournés vers Hachem dans l’attente d’être pardonnés, à cause de l’inquiétude due aux fautes. C’est pour cela que la Torah a avancé cette Mitsva au neuf Tichri afin de pouvoir se réjouir et que le jeûne du lendemain est ainsi agréé.
Le jeûne du dix n’est en effet agréé que grâce à la joie du neuf et il s’ensuit donc que cette joie ressemble au jeûne et au repentir du dix.
La Chaaré Techouva (Chaar 4, 8-9) lui aussi abonde dans ce sens en écrivant : « Nos Sages ont enseigné que tout celui qui mange la veille de Yom Kippour, c’est comme si on lui avait ordonné de jeûner le neuf et le dix et qu’il avait jeûné pendant deux jours. Car il montre grâce à cela sa joie à l’approche de l’expiation de ses fautes. Et cela témoigne qu’il s’inquiète de ses fautes et qu’il regrette de les avoir commises. La deuxième raison est que, lors des autres fêtes, nous fixons un repas pour exprimer notre joie de la Mitsva du jour. Car la récompense d’une Mitsva est multipliée grâce à la joie qui l’accompagne, comme il est dit (Chroniques II, 29, 17) : “Maintenant, Ton peuple ici présent, je l’ai vu heureux de faire un don” ou encore (Dévarim 28, 45) : “Pour n’avoir pas servi Hachem dans la joie et d’un cœur entier “. Et comme nous jeûnons le jour de Kippour, nous sommes tenus de fixer ce repas témoignant de notre joie de la Mitsva la veille de Yom Kippour. »
La joie a une force immense pour adoucir la rigueur. Certains l’ont vu en allusion dans le verset (Téhilim 47, 7) : « Chantez à Elokim, chantez », grâce au chant et à la mélodie, il est possible de ‘découper’ la mesure de rigueur (le terme Zamére/chanter a aussi le sens de découper et le Nom Elokim évoque la rigueur Divine, n.d.t).
Rabbi Mordekhaï ‘Haïm Salonime avait l’habitude de raconter au cours de la Séoudat Hamafséket (le dernier repas avant le jeûne de Yom Kippour, n.d.t) la parabole suivante :
Un homme possédait un coq qu’il chérissait comme la prunelle de ses yeux. Il le nourrissait, lui donnait à boire, l’habillait, le couvrait et s’occupait de tous ses besoins. Un jour, un voleur qui convoitait la volaille décida de se l’approprier pensant qu’il pourrait ainsi lui aussi l’apprivoiser au même titre que son propriétaire. Mettant son projet à exécution, il pénétra une nuit dans la maison de ce dernier et s’empara du coq.
Le propriétaire fit des pieds et des mains pour tenter d’attraper le voleur, mais sans succès. Pendant ce temps, le malfaiteur qui ignorait comment s’occuper du coq ne put qu’assister impuissant à l’affaiblissement jour après jour de l’animal qui devenait de plus en plus maigre, faute de nourriture adéquate. Finalement, n’ayant plus le choix, il l’emmena chez le Cho’hète avant qu’il ne soit trop tard. Lorsqu’il arriva chez lui, le propriétaire entra lui aussi et reconnut son coq. Il se mit à crier sur le voleur afin qu’il lui rende son bien. Mais ce dernier nia effrontément le délit en prétendant que le coq du propriétaire était beaucoup plus gras que celui qui était dans ses mains. Mais le propriétaire ne se résigna pas pour autant en accusant le voleur d’avoir aggravé son cas. Non seulement, il lui avait volé son coq, mais de plus il l’avait affaibli et endommagé. Lorsque le Cho’hète vit que le ton commençait à monter, il les envoya tous les deux chez le Rav de la ville afin qu’il décide qui avait raison.
Lorsque le Rav écouta les arguments de chacun, il ne sut que décider puisque chacun prétendait que le coq était le sien. Soudain, il eut une idée afin de découvrir la vérité. Il délia les pattes du coq pour voir vers qui il se dirigerait. Inutile de préciser que dès qu’il fut libre, le coq se précipita spontanément chez son véritable propriétaire. Sur ces mots, Rabbi ‘Haïm concluait alors les larmes aux yeux : « Toute l’année, le Satan qui n’est autre que le Yétser Hara, réussit à prendre l’homme dans ses filets et lui lie les pieds et les mains en le faisant trébucher dans la faute. Cependant, lorsqu’arrive Yom Kippour et qu’Hachem asperge l’homme d’eau purificatrice, Il le libère ainsi de toutes les chaînes dans lesquelles le Yétser l’avait emprisonné et spontanément, chaque juif retourne immédiatement chez le Saint-Béni-Soit-Il avec amour !
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