« Car Arnone est la frontière de Moav » (Bamidbar 21;13)
Rav Yonathan Eïbeshitz explique le parallèle entre la bataille que livra Si’hon à Moav et la bataille que l’homme livre contre son Yétser Hara (telle que la Guémara Baba Batra 78b l’enseigne) de la manière suivante : «Ne dis pas, écrit-il, que telle barrière n’est qu’une simple précaution et ne fait pas une grande différence. Mais, prends exemple de ‘Hechbone, qui était la ville frontière de Moav. Si Moav avait veillé sur elle, Si’hone n’aurait jamais pu la vaincre. Comme ce n’était pas une grande cité, il n’utilisa pas tous les moyens militaires possibles pour la garder. Grâce à cela, Si’hon put la conquérir et à partir de là, la voie était toute tracée pour s’emparer de s’emparer de toute la terre de Moav. »
Cela doit nous enseigner à veiller scrupuleusement à toutes les barrières pour protéger sa sainteté sans permettre qu’y soit faite la moindre brèche. Car le Yetser Hara guette l’homme précisément dans ses limites sachant que c’est à partir de là qu’il peut provoquer sa chute.
Dans la célèbre ville de Kelm se trouvait en plein milieu de la place du marché un trou qui causait beaucoup d’accidents. Des gens venaient en toute simplicité à la foire pour y faire des transactions, acheter ou vendre de la marchandise et, absorbés par leurs affaires, ils ne se méfiaient pas de ce trou et y tombaient en se blessant gravement. Certaines personnes (à D. ne plaise) y avaient même perdu la vie. Cela faisait des générations que les responsables de la ville et ses ‘sages’ n’étaient pas encore parvenus à trouver une solution à cette embûche sur la voie publique (ils ne pouvaient combler cette fosse car ils l’utilisaient).
Lorsque le nombre de victimes ne cessa de croître, les sept Touvé Haïr (les gardiens de la ville) en présence d maire décidèrent de réunir une ”cellule d’urgence” à laquelle prendraient part tous les ‘sages’ de la ville. Ils délibéreraient durant trois jours et trois nuits successives afin d’examiner les aspects du problème et parvenir enfin à supprimer ce danger qui planait sur l’ensemble des habitants de la ville depuis toujours. Et en effet, après un débat sérieux, ils finirent par prendre quatre mesures importantes.
Premièrement, étant donné la présence d’eau sale au fond du trou, chaque personne qui tombe se salit à cause de la boue et doit ensuite procéder à un nettoyage long et fastidieux de ses habits. C’est pourquoi il incombe à la mairie de payer des ouvriers qui assècheront toute l’eau et nettoieront le fond et les abords de la fosse.
Deuxièmement, il sera nécessaire de tapisser le fond du trou avec des couvertures et des coussins afin de préserver celui qui tomberait de s’y briser les os et la tête. Troisièmement, la décision a été prise de pallier au problème de l’obscurité qui règne au fond du trou susceptible de terroriser les personnes qui seraient tombées au point de leur faire perdre la raison. A cette fin, un éclairage y sera installé. Quatrièmement, une échelle sera fixée dans le trou, permettant aux victimes d’une chute de pouvoir remonter et en sortir.
La nouvelle fut ainsi publiée que grâce à ”l’union de tous les sages”, on avait la joie de faire savoir qu’une solution avait enfin été trouvée afin d’éradiquer le danger existant. Et, en effet, durant plusieurs jours d’affilée, des ouvriers travaillèrent sans relâche afin de mettre à exécution les mesures qui avaient été décidées. La ville était au comble de la joie.
Il ne s’écoula pas plus de quelques jours, lorsque la première victime tomba dans la fosse ainsi aménagée. Et oh, merveille, grâce aux coussins, elle ne se blessa pas le moins du monde. Considérant la lumière qui régnait et la présence de couvertures pour s’allonger, l’homme ne vit pas la nécessité de se hâter à sortir en empruntant l’échelle. Après deux heures, un deuxième hôte tomba sur la tête du premier et par la force du choc lui brisa presque le crâne. Peu s’en fut qu’il ne lui ôtât la vie. Lui-même se fractura les mains et les pieds. La consternation régna à nouveau dans la ville !
Encore une fois, une réunion d’urgence fut organisée pour prendre de nouvelles mesures. A ce moment arriva dans la ville un étranger qui, en entendant ce qui se passait, se mit à blâmer virulemment ses habitants et ses ‘sages’ : « Est-ce ainsi, s’écria-t-il, que l’on enlève le danger, en aménageant la fosse ? Construisez plutôt une barrière autour, et préservez-vous ainsi de la chute ! »
Cette parabole nous fait sourire mais en réalité, nous-mêmes ressemblons à ces habitants stupides de Kelm ! Les appareils et téléphones portables en tous genres représentent chacun une fosse profonde et une menace pour notre âme et celle de nos enfants (à D. ne plaise).
Que fait le ”sage de Kelm” ? Il rembourre et éclaire l’intérieur de la fosse. Ici également, il demande une ”cacheroute” afin de pouvoir utiliser son appareil. Certes, grâce à ce tampon de conformité, il ne subira pas de coup. Néanmoins, en l’utilisant sans cesse, il ne se rend pas compte qu’il reste au fond du trou. Et au lieu de remonter et de se sauver, il l’aménage pour y séjourner.
Ce n’est pas tout : à tout moment, il se trouve également en danger à cause des mauvaises fréquentations. Il n’est, en effet, pas à l’abri d’un ”bon ami” qui, lui, n’est pas spécialement scrupuleux sur la cacheroute des appareils. Et puisqu’il entretient avec lui une correspondance suivie, il n’est pas exclu qu’il lui ”tombe dessus” et que chacun se retrouve estropié (spirituellement) à cause de l’autre.
C’est pourquoi il faudra, dans ce domaine, ancrer la chose dans son cœur et ne pas chercher toutes sortes de ”permissions douteuses”. Mais, au contraire, on se préservera à l’aide de solides barrières en suivant scrupuleusement la voie de nos Rabbanim. Heureux celui qui se conduit de la sorte, dans ce monde et dans le monde futur !
Rav Elimélekh Biderman
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