L’explication première est qu’à ce moment de l’année, la majorité des pluies d’hiver sont tombées et que la sève monte dans le tronc des arbres.
En effet, en Erets Israël, les pluies ne tombent pas toute l’année mais uniquement depuis la mi-automne et jusqu’à la fin de l’hiver. La saison des pluies commence le 17 Mar ‘Hechvane et s’étend jusqu’à la fin du mois de Nissane. Du 17 Mar ‘Hechvane jusqu’à la fin du mois, le mois de Kislev et celui de Tévet, plus les quinze premiers jours de Chevat, est une période de près de trois mois. Le reste de la saison pluvieuse, c’est-à-dire la seconde moitié de Chevat, Àdar et Nissane, représente deux mois et demi exactement. Ainsi, au 15 Chevat, la majeure partie de la saison pluvieuse s’est écoulée. Les pluies qui tombent la première moitié de la saison assurent la croissance de la nouvelle récolte. Elles provoquent la montée de la sève dans les arbres, ce qui va produire les nouveaux fruits.
Chaque situation, chaque événement qu’Hachem a placé sur notre chemin a pour but de nous apprendre quelque chose. Nous devons ouvrir les yeux et réfléchir.
Nous pouvons donc nous demander : pourquoi fêter le nouvel an des arbres en Chevat et pas en Adar, Sivane ou Tamouz?
-Le mois du Verseau-
Quelle est la particularité du mois de Chevat ? Que peut-on en apprendre ? Et surtout, qu’est-ce que Hachem attend de nous ?
Il faut savoir que chaque mois a un Mazal, par exemple Adar : les Poissons, Tichri : la Balance… Le « Bneï Issakhar » écrit que Chevat, c’est le mazal du seau, un « Dli » en hébreu.
L’une des fonctions d’un seau est de puiser l’eau et de la distribuer. Le « Bneï Issakhar » explique que c’est aussi le Mazal d’Israël, son signe du zodiaque. Pourtant, nous savons que «אֵין מַזָּל לְיִשְׂרָאֵל/Israël n’a pas de mazal1 » : cela ne signifie pas qu’il est malchanceux, mais au contraire que le mazal n’a pas d’emprise irrévocable sur Israël.
S’il en est ainsi, pourquoi le peuple d’Israël est-il placé sous le signe du « seau » ?
Nous savons que c’est à partir du don de la Torah que les descendants de Yaakov ont reçu leur identité. Le jour où Hachem leur a donné la Torah est appelé la fête de Chavouot, celle du Matane Torah/don de la Torah, mais aussi celle de la Kabalat Hatorah/réception de la Torah. En effet, lors de tout échange, il y a celui qui donne et celui qui reçoit.
Hakadoch Baroukh Hou est le Donateur : Il a donné la Torah à chacun de nous. Nous, les Bneï Israël, sommes les donataires.
Quel est notre rôle en tant que bénéficiaires ? Celui de recueillir la Torah, comparée à de l’eau, transmise par la génération précédente, en remplir notre seau et la verser à la génération suivante… Le signe du zodiaque est d’ailleurs appelé « Verseau » (verse-eau).
– « L’homme est un arbre du champ » –
La Torah compare l’homme à un arbre, comme il est dit2 : « כִּי הָאָדָם עֵץ הַשָּׂדֶה/ Car l’homme est un arbre du champ ».
L’homme et l’arbre ont tous deux besoin de quatre éléments fondamentaux pour leur survie : la terre, l’eau, l’air et le feu.
-TERRE-
– Pour l’arbre, la terre est le lieu où il va s’enraciner solidement et profondément. Il a besoin d’une bonne terre pour se protéger des ouragans et des autres fléaux, car c’est grâce à son bon enracinement qu’il résistera aux intempéries.
– Pour un homme, la terre, ce sera ses parents, la base indispensable dont il recevra des valeurs et des principes qui l’accompagneront et le soutiendront tout au long de sa croissance.
Lui aussi devra faire face aux épreuves de la vie, aux ouragans technologiques et autres tempêtes de la société. Ce sera grâce à ces valeurs acquises auprès de ses parents qu’il y résistera.
Rappelons-nous l’épisode de Yossef Hatsadik3 : alors qu’il vit dans un pays imprégné d’impureté, il est sur le point de céder à la femme de Putifar lorsqu’il se représente en pensée le visage de son père Yaakov et parvient grâce à cette vision à s’enfuir….
-EAU-
– Pour l’arbre, l’eau est indispensable à la croissance et à la vie. Sans elle, il ne peut pousser ; ses feuilles tombent, peu à peu il dépérit et n’est plus un arbre. Il devient un simple poteau planté en pleine rue : il n’a plus d’identité, plus de raison d’être.
– Pour l’homme, l’eau revitalise son corps et sa Néchama. Pour celle-ci, l’eau en question est la Torah, comparée à l’eau, comme il est dit4 : « אֵין מַיִם אֶלָּא תּוֹרָה/l’eau ne peut être interprétée que comme désignant la Torah ». Ou encore5 : « הוֹי כָּל צָמֵא לְכוּ לַמַּיִם /Ô vous tous qui êtes assoiffés, allez vers l’eau » – le verset parle ici d’une soif de Torah, comme celle évoquée dans le verset6 : « וְלֹא צָמָא לַמַּיִם כִּי אִם לִשְׁמֹעַ אֵת דִּבְרֵי ה׳/… non pas une soif d’eau, mais celle d’entendre les paroles de Hachem ».
-AIR-
L’air est composé d’oxygène et de gaz carbonique.
– Pour l’arbre, s’il se trouve dans une atmosphère où d’air est insuffisant, il suffoque et meurt.
– Pour l’homme, l’air est vital pour son bien-être physique et spirituel. Lorsque Hachem créa l’homme7, « וַיִּפַּח בְּאַפָּיו נִשְׁמַת חַיִּים/ Il insuffla dans ses narines un souffle de vie… ». Ce souffle divin donne la vie à notre corps. C’est pour cela que chaque matin à notre réveil, nous louons le Créateur de nous avoir rendu notre âme en disant : «אַתָּה נְפַחְתָּהּ בִּי /Tu l’as insufflée en moi ».
-FEU-
– Pour l’arbre, il s’agit des rayons du soleil dont la lumière et la chaleur sont nécessaires pour sa bonne croissance et sa survie.
– Pour l’homme, ce feu symbolise la chaleur de la société. Car chacun absorbe l’énergie que produit son entourage, sa famille, ses amis, ses voisins… Toutes ces énergies seront canalisées pour qu’il forge son identité. La Torah est fondée sur les principes de Ahava/amour, A’hdout/harmonie, ‘Hessed/bienfaisance. Un homme qui vivrait écarté de tous, sans lumière ni chaleur, sera en péril. Le feu est aussi le symbole de l’enthousiasme et la fougue avec lesquels nous devons accueillir les paroles de Torah. Il représente également l’ardeur qui doit nous animer lors de l’accomplissement des Mitsvot. Il évoque aussi le sacrifice de notre vie pour Hachem, comme le fit notre père Avraham qui refusa de prêter foi à la Avoda zara/idolâtrie et se laissa jeter dans la fournaise.
-Tou Bichevat, un rappel de l’essentiel-
L’arbre et l’homme sont donc comparables. Si nous reprenons notre explication première, nous avons vu que l’homme reçoit l’eau/la Torah, et la transmet comme on verse l’eau d’un seau. Mais l’arbre puise l’eau et produit des fruits.
Nous pouvons nous demander, selon cette analogie, où sont les fruits de l’homme ?
L’homme n’est il qu’un récipient ? N’a-t-il pas lui aussi la capacité de fructifier ?
A la différence de l’arbre, l’homme est capable de puiser, de transmettre et de produire.
Comme nous le demandons chaque matin dans la téfila : « וְתֵן בְּלִבֵּנוּ בִינָה לְהָבִין ולְהַשְׂכִּיל לִשְׁמֹעַ לִלְמֹד וּלְלַמֵּד לִשְׁמֹר וְלַעֲשׂוֹת וּלְקַיֵּים אֶת כָּל דִּבְרֵי תַּלְמוּד תוֹרָתֶךָ בְּאַהֲבָה/donne en notre cœur le discernement pour comprendre, assimiler, apprendre et enseigner, observer, exécuter et accomplir toutes les paroles de l’enseignement de Ta Torah avec amour ». En effet, par l’étude de la Torah, l’homme puise des enseignements, transmet ses connaissances puis, par l’accomplissement des Mitsvot, il produit des fruits.
Tou Bichevat nous rappelle les éléments vitaux dont nous avons besoin pour vivre dans ce monde-ci, produire et recevoir dans le monde à venir les fruits de nos actes.
1 Chabat 156b
2 Devarim 20;19
3 Béréchit 39;7-14
4 Baba Kama 17a
5 Yéchaya 55;1
6 Amos 8;11
7 Beréchit 2;7
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