23 décembre 2024

Vayigach: CONSIDÉRER SON PROCHAIN

« Yossef ne put se contenir, malgré tous ceux qui l’entouraient il s’écria : “Faites sortir tout le monde d’ici !” Et nul homme ne fut présent lorsque Yossef se fit connaître à ses frères.» (Beréchit 45 ; 1-3)

Rachi nous explique que « Yossef ne pouvait pas se dévoiler à ses frères devant les égyptiens, il ne voulait pas que ceux-ci assistent à leur humiliation. »

Yossef avait accédé au plus haut statut social qu’un homme puisse atteindre, il secondait pharaon. Ce jour tant attendu des retrouvailles avec ses frères arriva enfin : ils étaient devant lui, prosternés, son rêve prophétique s’était donc bien réalisé.

Malgré cette situation où Yossef tout puissant aurait pu prendre un certain plaisir à humilier ses frères qui l’avaient vendu à une caravane d’ichmaélim 22 années auparavant, il s’y refusa totalement et voulut même préserver leur honneur en faisant sortir tous les étrangers de la salle. Nous apprenons de cet événement, l’importance fondamentale de ne pas humilier son prochain.

Nous sommes minutieux et exigeants en ce qui concerne nombre de Mitsvot « beïn adam la Makom » (entre l’homme et D.ieu), notamment la cacherout, et nous prenons même souvent sur nous des ‘Houmrot supplémentaires pour ce type de commandements. Chacun regarde scrupuleusement les certificats de cacherout des aliments qu’il achète car : que D.ieu nous préserve de manger d’un aliment non cacher ! Kol Hakavod ! Il faut continuer et se renforcer.

Cependant, agissons-nous avec la même exigence lorsque nous accomplissons les Mitsvot beïn adam la ‘havéro (entre l’homme et son prochain) ?

Il devrait pourtant en être de même en ce qui concerne nos actes et nos paroles : être aussi attentif à ce qui rentre dans notre bouche que ce qui en sort. Un mauvais mot proféré peut être bien plus destructeur qu’un aliment taref  ingurgité.

Il faut donc remettre les valeurs en place et ne jamais oublier qu’il est du devoir de chacun de scruter ses actes et paroles afin de ne pas blesser ni déshonorer son prochain. Nos Sages nous enseignent (Sota 10b) : « Il est mieux pour l’homme de se jeter dans une fournaise ardente plutôt que de faire blêmir la face de son prochain en public. »

Le traité Ketouvot (67b) relate l’histoire suivante :

Mar Oukva, l’un des grands Sages de Babylonie avait un voisin pauvre auquel il donnait chaque jour quatre zouz. Ne voulant surtout pas le gêner ou lui faire honte, il agissait anonymement, de sorte que le pauvre ne savait pas qui était son bienfaiteur.

Le Tsadik préparait tous les jours les quatre zouz dans un sachet, et partait vers la maison du pauvre. Il s’approchait silencieusement afin que personne ne l’entende, et jetait le sachet par l’entrebâillement de la porte, puis il se sauvait au plus vite.

Quand le pauvre trouvait l’argent, Mar Oukva était déjà loin ! Il ouvrait la porte, regardait autour de lui, ne voyait personne et ne se sentait donc pas mal à l’aise de recevoir cette tsédaka.

Un jour, Mar Oukva s’attarda au Beth Hamidrach, absorbé par un passage d’une extrême profondeur. Sa femme inquiète partit donc à sa rencontre afin de savoir ce qui se passait.

Mar Oukva, en voyant sa femme arriver, réalisa soudain qu’il devait être très tard. Il se souvint alors aussitôt du pauvre qui n’avait pas encore reçu sa tsédaka quotidienne et il s’inquiéta pour lui. Il se rendit donc à son domicile accompagné de sa femme, mais ce jour-là, le pauvre avait décidé de guetter son bienfaiteur mystérieux, résolu à lui exprimer sa reconnaissance.

Il vit arriver Mar Oukva et sa femme qui se dirigeaient vers son humble demeure : « Voilà sans doute mes bienfaiteurs ! » se dit-il, et il courut à leur rencontre afin de les remercier.

Quand Mar Oukva et sa femme s’approchèrent afin de jeter le sachet journalier et qu’ils virent la porte s’ouvrir, ils firent aussitôt volte-face afin de ne pas être découverts, et coururent aussi vite qu’ils le purent. Se trouvant au coin de la rue devant une boulangerie, ils en aperçurent le four encore brûlant car tout juste éteint, et n’hésitèrent pas à s’y cacher afin d’éviter toute gêne au pauvre.

Le four ne brûla que les pieds de Mar Oukva, un vrai miracle ! Quant à sa femme, elle ne souffrit d’aucune brûlure, et elle proposa même à son mari de poser ses pieds sur les siens ! Hachem lui avait accordé cette protection surnaturelle parce qu’elle se donnait plus de peine encore à faire du ‘Hessed que son mari. En effet lui ne donnait que de l’argent aux nécessiteux, tandis qu’elle leur épargnait aussi le déplacement pour aller acheter à manger, puisqu’elle recevait les pauvres chez elle et leur préparait leurs repas.

Ces deux grands Tsadikim, Mar Oukva et sa femme avaient donc préféré se précipiter dans un four brûlant plutôt que de mettre un pauvre dans l’embarras.

Nous autres Juifs avons grâce à D. une règle de vie précieuse qui dit ceci : «  Derekh erets kadma laTorah » : les bonnes manières, le savoir vivre précède la Torah. Ce qui signifie qu’avant l’accomplissement des Mitsvot, l’homme doit être construit en ce qui concerne les règles de savoir vivre vis-à-vis de son prochain. C’est comme pour un bâtiment, afin d’édifier le premier puis le second… étage, il faut les fondations. Un Juif ne verra donc ses Mitsvot agréées que si ses fondations internes sont solidement bâties. Ce n’est que de cette façon qu’il pourra être sensible et vigilant dans l’accomplissement des Mitsvot de l’homme envers autrui, comme celle d’aimer son prochain comme soi-même, de respecter ses parents, de ne pas dire du Lachone hara’, etc… Mitsvot qui sont parfois délaissées.

Tous les Juifs sont de même essence Divine, il n’existe en réalité (spirituellement) pas de différence entre le fait d’aimer autrui et soi-même.

Pour mieux appréhender ce sujet voici ce que le Smag rapporte dans le Talmud Yerouchalmi (Nédarim 9 ;4) : « Un homme marche en chemin lorsque soudain, l’un de ses pieds butte contre l’autre et le fait trébucher. Le voilà par terre, couvert de bosses et d’égratignures. Songera-t-il à se venger du pied coupable au lieu de soigner le pied blessé ? Sûrement pas, car ses pieds tout comme ses mains ou son visage sont des parties d’un seul corps, le SIEN ! »

Il en est de même pour nous et notre prochain, nous provenons de la même source, alors comment rester indifférent ?

Si la Torah nous ordonne d’aimer l’Autre comme nous-mêmes et de ne pas lui faire ce que nous ne voudrions pas qu’il nous fasse, à nous de nous mettre dans sa peau afin de le comprendre véritablement, de ne pas le juger, de ne pas lui chercher querelle… Cela nous permettra d’affiner notre intériorité, notre esprit, de bonifier notre cœur, et de purifier notre volonté, c’est ainsi que nous réaliserons avec succès ces Mitsvot qui sont d’une aussi grande importance que celles concernant l’homme et Son Créateur. C’est ainsi que nous produirons du Bien !

Puisse cette étude nous permettre de nous renforcer dans nos bonnes Midot, afin de soigner et de protéger Am Israël qui est une entité en soi, et qui traverse des moments très difficiles. Que chaque instant, si dur soit-il, nous rapproche et nous conduise vers notre Délivrance. AMEN.